MOURIR PEUT ATTENDRE (2021)

Dernier tour de piste pour Daniel Craig qui incarne une ultime fois James Bond face à une menace terroriste à très grande échelle…

NO TIME TO DIE

 

2021 – GB / USA

 

Réalisé par Cary Joji Fukunaga

 

Avec Daniel Craig, Rami Malek, Léa Seydoux, Lashana Lynch, Ralph Fiennes, Christoph Waltz, Ben Whishaw, Naomie Harris, Jeffrey Wright, Ana de Armas

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Mourir peut attendre aura été une épreuve de patience pour les amateurs de l’agent 007. La presse ne mit d’ailleurs pas longtemps à s’amuser de l’ironie contenue dans son titre (surtout en français). Six ans séparent en effet cet épisode du précédent. Il faut remonter à Goldeneye pour qu’un tel écart ait été creusé entre deux aventures de James Bond. À l’époque, ce sont des questions juridiques qui marquèrent une pause dans la saga. Dans le cas de Mourir peut attendre, il s’agit d’un enchaînement de circonstances imprévues. Le premier réalisateur pressenti, Danny Boyle, quitta le navire en 2018 et remit donc les compteurs à zéro. C’est dommage, car nous sommes curieux de savoir à quelle sauce le réalisateur de Trainspotting et Slumdog Millionaire aurait mangé le célèbre espion britannique. Deuxième contretemps fatidique : la crise sanitaire du Covid 19 qui paralysa le monde et donc Hollywood. Sans cesse repoussée, la sortie de ce Bond était attendue de pied ferme. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne laissera personne indifférent. Car le scénario co-écrit par Neal Purvis, Robert Wade, Cary Joji Fukunaga et Phoebe Waller-Bridge réserve son lot de grosses surprises, tout en s’efforçant de fermer toutes les portes ouvertes par Casino Royale et ses trois suites. Contrairement à l’habitude établie entre 1962 et 2002, consistant à bâtir chaque film comme une entité autonome ne se référant qu’avec parcimonie à ses prédécesseurs, l’arc narratif de la période Daniel Craig se sera attaché à déployer sa narration avec continuité et cohérence. D’où le retour de plusieurs personnages majeurs de la saga telle qu’elle fut redéfinie en 2006.

En début de film, James Bond jouit d’une retraite bien méritée. Bien sûr, ce n’est que l’accalmie avant la tempête. Il se voit en effet contraint de reprendre du service pour stopper les agissements d’un super-vilain ayant développé une arme de destruction massive conçue à partir d’une découverte génétique révolutionnaire. Mourir peut attendre (décidément le titre est bien choisi) est un James Bond qui prend son temps (près de trois heures de métrage) et s’attarde sur ses personnages et leurs états d’âme, quitte à désarçonner un peu les aficionados et à bousculer leurs habitudes. Pour autant, on sent ici une volonté de se réapproprier les codes jusqu’alors soigneusement écartés par l’ère Daniel Craig, comme pour cligner de l’œil vers les incarnations précédentes de l’agent 007. Les gadgets, les véhicules customisés, la science-fiction et même les mauvais jeux de mots accompagnant la mort des méchants sont donc de retour. Ce Bond avance ainsi en slalomant audacieusement entre la légèreté et la gravité. Signe des temps, le rapport de James avec les femmes a forcément évolué, sans pour autant édulcorer le magnétisme sexuel inhérent au personnage. Mieux : le scénario en joue en adjoignant à notre héros quatre excellentes Bond Girls : la mystérieuse Madeleine qui pourrait bien être l’élue de son cœur (Léa Seydoux), l’impétueuse Nomi qui profite de la retraite de l’agent 007 pour récupérer son matricule (Lashana Lynch), l’explosive Paloma qui nous gratifie d’une mémorable séquence cubaine (Ana de Armas, avec qui Craig s’était si bien entendu sur le tournage d’À couteaux tirés) et bien sûr l’indispensable Moneypenny (Naomie Harris).

Meurs un autre jour

Au titre des réserves, il faut bien avouer que le méchant campé par Rami Malek est décevant. L’ex-Freddy Mercury de Bohemian Rhapsody excelle pourtant dans le registre sirupeux et malsain, mais le scénario ne lui donne pas grand-chose d’intéressant à faire et ponctue même son comportement de choix bizarres. Les scènes d’action elles-mêmes sont inégales, Fukunaga alternant les combats difficilement lisibles ou au contraire un peu trop chorégraphiés avec quelques beaux morceaux de bravoure, notamment pendant un dernier acte volontairement déstabilisant. Le cœur d’un James Bond battant toujours au rythme de sa musique, il faut saluer le travail de Hans Zimmer dont les compositions mixent habilement le big-band jazzy, l’orchestre symphonique et les ostinatos électroniques, se fendant de plusieurs hommages directs à John Barry. On regrette bien sûr les audaces d’un David Arnold, mais aussi les vocalises puissantes auxquelles nous ont habitué les génériques d’ouvertures de la saga. Ici, c’est à peine si l’on entend le filet de la voix fluette de Billie Eillish, qui susurre son « No Time To die » du bout des lèvres. Mourir peut attendre est clairement un épisode de clôture, qui boucle définitivement l’arc en cinq actes amorcé avec Casino Royale et parvient même à faire vibrer la corde sensible en payant son tribut à Au Service secret de sa majesté. Ce n’est pas un hasard. Le film de Peter Hunt osait briser quelques règles pour humaniser son héros et en atténuer le caractère monolithique. Mourir peut attendre en fait autant, jouant sans cesse l’équilibre entre la tradition d’une franchise à l’incroyable longévité et son inévitable renouvellement. Une page se tourne, mais nous savons déjà – ce que nous promet comme toujours le générique de fin – que James Bond reviendra.

 

© Gilles Penso

 

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