SPIDER-MAN NO WAY HOME (2021)

Plongé dans les vertiges des multiverses, Spider-Man n’est pas au bout de ses surprises… les spectateurs non plus !

SPIDER-MAN NO WAY HOME

 

2021 – USA

 

Réalisé par Jon Watts

 

Avec Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch, Alfred Molina, Jamie Foxx, Jacob Batalon, Marisa Tomei, Willem Dafoe, J.K. Simmons

 

THEMA SUPER-HÉROS I ARAIGNÉES I MONDES PARALLÈLES ET MONDES VIRTUELS I SAGA MARVEL I AVENGERS I SPIDER-MAN

Savamment orchestrée, la campagne marketing de ce troisième Spider-Man estampillé Marvel/Sony jouait avec beaucoup de méticulosité sur les attentes des fans de l’homme-araignée, distillant de ci de là, comme on jette des miettes aux affamés, une myriade de petits indices laissant imaginer les crossovers les plus impensables. Du coup, on ne savait plus trop à quoi s’attendre. Un festival de « fan service » dont le scénario ne serait que le prétexte à une accumulation de clins d’œil destinés aux amateurs du comics et de ses adaptations à l’écran ? Une œuvre-somme gorgée de nostalgie et d’émotion entremêlant les univers jusqu’au vertige ? Comme souvent, la réponse se situe quelque part entre les deux tendances. Spider-Man No Way Home est un spectacle d’une folle générosité, débordant de morceaux de bravoure et de rebondissements inattendus. Mais tout est visiblement le fruit d’un savant calcul consistant à offrir aux spectateurs exactement ce qu’ils espèrent. Un peu plus de spontanéité, assortie d’une vraie vision de cinéaste, n’aurait pas nui. En l’état, le film ressemble surtout à un gros jouet dont on adore ouvrir l’emballage pour découvrir le contenu, mais qu’on risque de laisser de côté assez rapidement en l’effaçant peu à peu de sa mémoire.

L’effacement de la mémoire est justement le sujet de Spider-Man No Way Home. Les événements se situent directement après Spider-Man Far From Home, au moment précis où Mysterio fait croire qu’il a été assassiné par l’homme-araignée et révèle son identité au monde entier. Devenu l’ennemi public numéro un sous les aboiements du rédacteur en chef J. Jonah Jameson, Peter Parker rase désormais les murs, pris en grippe par la population et harcelé par les journalistes. Sa vie et celle de ses proches étant sur le point de s’effondrer, il prend une décision un peu dingue : demander à Docteur Strange de trouver un sortilège qui fasse oublier à tous son identité secrète. Là, il faut bien avouer que notre suspension d’incrédulité commence à être mise à mal. Voir le « Maître des Arts Mystiques » tenter le diable pour faire plaisir à cet adolescent encore immature, quitte à ouvrir les portes des « multiverses » qu’il maîtrise si mal, est un choix scénaristique audacieux mais très peu crédible. Les conséquences désastreuses de ce sortilège et la manière dont les protagonistes vont tenter de les gérer poussent le bouchon encore plus loin, jusqu’à ce que le scénario finisse quasiment par assumer ses invraisemblances. Percé d’autant de trous que le monde dans lequel s’ouvrent partout des ponts entre les univers parallèles, le récit semble n’avoir pour vocation que le bonheur intense mais éphémère du public.

Le grand 8 émotionnel

En ce domaine, il faut reconnaître que nous sommes servis. Le principe même des multiverses autorise toutes les folies, d’autant que le studio Disney phagocyte désormais le monde du cinéma au point de pouvoir faire fusionner toutes les franchises. L’inimaginable arrive donc, provoquant un grand 8 émotionnel que même les plus cyniques ont du mal à réfréner. Tout au long de ce – très – long-métrage (de près de trois heures tout de même), l’ennui ne s’invite jamais et les surprises jalonnent l’intrigue avec une régularité métronomique qui s’efforce de faire oublier l’absurdité sur laquelle repose le film lui-même. Nous voilà donc ballotés sans cesse entre l’impression perplexe d’assister à une interminable séquence post-générique (truffée de références, de coups de coude complices et d’effets d’annonce) et le sentiment diffus de retrouver nos émotions premières de lecteurs de comic books (bien souvent, le célèbre épisode annual « Sinister Six » écrit par Stan Lee et Steve Ditko nous vient à l’esprit). Le gâteau est donc un peu trop sucré, un peu trop gras, un tantinet indigeste, mais une irrépressible pulsion gourmande nous incite naturellement à nous resservir.

 

© Gilles Penso


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