LA PLANÈTE DES SINGES : LES ORIGINES (2011)

Après la tentative mitigée de Tim Burton, la franchise inspirée par Pierre Boulle repart sur de toutes nouvelles bases…

RISE OF THE PLANET OF THE APES

 

2011 – USA

 

Réalisé par Rupert Wyatt

 

Avec James Franco, Andy Serkis, John Lithgow, Karin Konoval, Freida Pinto, Tom Felton, Brian Cox, Terry Notary, David Oyelowo, Tyler Labine, Jamie Harris

 

THEMA SINGES I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Si La Planète des singes de Tim Burton se comporta bien au box-office, l’accueil critique fut tellement glacial qu’aucune suite ne fut donnée au film. Pour autant, la franchise laissait d’autres portes ouvertes. Le scénariste Rick Jaffra s’y engouffra en 2005 après avoir lu plusieurs articles liés à l’attitude inquiétante de singes domestiqués. Sur cette base, il écrivit avec son épouse Amanda Silver un premier traitement qui séduisit les dirigeants de la 20th Century Fox. Mais il fallut quatre ans et une bonne trentaine de versions du scénario avant que le film entre enfin en production. Plusieurs réalisateurs furent envisagés jusqu’à ce que la Fox jette son dévolu sur Rupert Wyatt (remarqué pour son thriller Ultime évasion avec Brian Cox et Joseph Fiennes). Contrairement à la pentalogie des années 60/70 et au film de Tim Burton, le recours à des acteurs maquillés en singes fut écarté pour une approche plus réaliste. Il n’était pas non plus question d’utiliser de véritables primates, non seulement parce que les actions requises par les personnages étaient trop complexes mais aussi pour des raisons éthiques. Restait la solution de la « performance capture ». Portée aux nues par l’équipe néo-zélandaise de Weta Digital à l’occasion du Seigneur des anneaux, de King Kong et d’Avatar, cette technique semblait parfaitement appropriée aux exigences du scénario : des acteurs réels allaient interpréter les singes revêtus de combinaisons bardées de capteurs, puis les infographistes et animateurs de Weta leur donneraient leur apparence finale de chimpanzés, de gorilles, d’orangs-outans et de bonobos, le tout sous la supervision experte de Joe Letteri.

Le roman de Pierre Boulle et ses adaptations précédentes s’appuyaient sur la mécanique du voyage dans le temps, mais La Planète des singes : les origines évacue cet argument scénaristique au profit de la recherche médicale et de l’expérimentation génétique, ce qui permet de soulever de passionnantes questions morales. Dans un premier temps, notre pôle d’identification est le chimiste Will Rodman (James Franco). Employé par la compagnie Gen-Sys, il travaille activement sur un traitement nommé ALZ-112 censé guérir la maladie d’Alzheimer en agissant directement sur le cerveau par neurogénèse. Will est d’autant plus concerné que son père Charles (John Lithgow) est frappé de sénilité et pourrait être l’un des nombreux bénéficiaires de ces recherches. Les cobayes de cette expérimentation sont des chimpanzés. L’un d’entre eux, une femelle surnommée « Beaux Yeux », montre des résultats très concluants. Mais alors que le conseil d’administration s’apprête à voter pour que le traitement soit appliqué aux humains, elle s’échappe avec perte et fracas et finit abattue par les balles d’un gardien. Le programme de recherche est aussitôt annulé. Or « Beaux Yeux » voulait juste protéger son bébé, ce que découvre Will avec stupeur. Il recueille alors ce minuscule chimpanzé et le nomme César. Ce dernier révèle une intelligence hors du commun. Mais plus il grandit, plus il s’interroge sur sa place dans le monde…

« Non ! »

Nanti d’un confortable budget de 93 millions de dollars, La Planète des singes : les origines ne prend sa dimension de blockbuster épique que tardivement, préférant d’abord centrer l’intrigue et ses enjeux sur un mode intimiste. Les liens qui unissent Will, son père, sa petite amie Caroline (Freida Pinto) et ce singe à l’intellect surdéveloppé sont au cœur du récit. À mi-parcours, dès lors que César intègre un univers carcéral sinistre, le scénario calque sa structure narrative sur celle de La Conquête de la planète des singes. En effet, la rébellion couve et s’apprête à prendre des proportions alarmantes. Si Jack Lee Thompson ne put bénéficier à l’époque des moyens nécessaires pour porter à l’écran les idées spectaculaires qu’il avait en tête, Rupert Wyatt peut se payer le luxe d’un troisième acte apocalyptique au cours duquel les singes en révolte sèment la panique en ville avant un climax à couper le souffle situé au beau milieu du Golden Gate Bridge. Le prodige du film tient à la parfaite intégration de ses effets spéciaux révolutionnaires au beau milieu d’acteurs et de décors réels. Les expressions du visage de Cesar se révèlent particulièrement réalistes. Le travail combiné du comédien Andy Serkis et des artistes de Weta est tout simplement époustouflant. Nul besoin de dialogue pour comprendre ce qui se passe dans la tête du chimpanzé surdoué. Un seul regard, une seule mimique suffisent. Jusqu’au « Non ! » qu’il prononce à voix haute face aux humains abasourdis et qui renvoie directement au cri de rage qu’articulait Charlton Heston face à ses geôliers simiesques dans la première Planète des singes. Cette magistrale réinvention du mythe donnera naissance à une nouvelle trilogie.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article