KING KONG (2005)

Peter Jackson concrétise un rêve de longue date en rendant hommage au film qui a bercé son enfance

KING KONG

2005 – USA / NOUVELLE-ZELANDE

Réalisé par Peter Jackson

Avec Adrien Brody Naomi Watts, Jack Black, Andy Serkis, Thomas Kretschmann, Colin Hanks, Kyle Chandler, Jamie Bell

THEMA SINGES I DINOSAURES I SAGA KING KONG

L’histoire d’amour entre Peter Jackson et King Kong date de l’époque où le cinéaste était encore bambin. « Je n’allais pas souvent voir de films à l’époque, parce que nous vivions à trente kilomètres du cinéma le plus proche et que mes parents n’étaient pas très cinéphiles », raconte-t-il. « Je me suis donc rabattu sur la télévision, où j’ai découvert King Kong alors que j’avais neuf ans. Ce film m’a marqué et m’a donné le goût de l’évasion. » (1) La carrière de Jackson fut tout entière hantée par ce film-monstre, et si Mon ami Joe et le Godzilla de Roland Emmerich n’avaient pas pointé le bout de leur museau à la fin des années 90, il se serait lancé dans ce remake avant d’entamer la trilogie du Seigneur des Anneaux. Mais force est de reconnaître que son voyage au pays de Tolkien a fait mûrir l’homme, le poussant vers une écriture et une mise en scène plus complexes que prévues. Le premier parti pris fort consiste à situer le récit dans son contexte historique initial. Les premières séquences de ce King Kong s’attardent donc sur un New York rongé par la dépression, et nous familiarisent avec des personnages prolongeant habilement les problématiques abordées en 1933.

Ann Darrow est toujours une actrice au chômage, mais nous découvrons la richesse de son registre comique et acrobatique (qui servira plus tard, lors de ses relations de « jeu » avec Kong). Carl Denham, cinéaste intrépide et roublard, a été rajeuni, calquant ses caractéristiques physiques et son bagout sur Orson Welles. Quant à Jack Driscoll, le jeune premier beau et musclé, il voit chacune des facettes de sa personnalité redistribuées à divers protagonistes. Le machisme brut appartient désormais au capitaine Englehorn, le charisme de meneur d’homme a été confié au second Hayes et l’autosatisfaction béate est l’apanage du jeune premier Bruce Baxter. Du coup, le Driscoll du film est devenu en auteur de théâtre sensible et réservé arrondissant ses fins de mois en écrivant des scripts pour Denham. L’accent est donc mis en priorité sur les protagonistes humains, pour mieux faire vaciller leurs certitudes et exacerber leurs caractères lors du plongeon dans le fantastique. Et de ce point de vue, Jackson ne se limite guère, imaginant de toutes pièces de nouvelles séquences d’action (le navire coincé entre les récifs, la cavalcade des sauropodes, la poursuite en taxi), réinterprétant l’une des plus célèbres scènes coupées de l’époque (l’attaque des abominations rampantes dans le puits) et décuplant l’impact de celles que nous connaissons déjà (notamment le célèbre combat de Kong contre pas moins de trois allosaures affamés !). 

Au cœur des ténèbres

Kong lui-même a bien changé depuis 1933. Son comportement et son apparence physique imitent à la perfection les vrais gorilles, et ses expressions faciales offrent une richesse et une variété incroyables. « La technique de la performance capture est un moyen de créer un lien entre un acteur et son personnage numérique » explique Andy Serkis, interprète de Kong.  « C’est en quelque sorte le même travail qu’un marionnettiste. Mais à vrai dire, les outils ont peu d’importance à partir du moment où ils sont utilisés avec honnêteté et émotion vis-à-vis des personnages à interpréter. Là où les effets numériques ne fonctionnent pas, c’est lorsqu’ils ne sont pas reliés à l’affectif ou à l’humain. Il peut y avoir un terrible gouffre entre l’idée initiale et sa manifestation numérique parce que l’esprit d’un personnage est toujours lié à la condition humaine. » (2) A vrai dire, tout se passe comme si ce King Kong relatait les faits bruts tels qu’ils se seraient réellement passés, celui de 1933 en étant la réinterprétation glamour et hollywoodienne. D’où le clin d’œil à la scène romantique entre Fay Wray et Bruce Cabot et surtout la réutilisation de la musique de Max Steiner lors de l’exhibition de Kong à Broadway (avec en prime les mêmes costumes d’indigènes que dans le film original). Le King Kong de Peter Jackson est donc avant tout un hommage ému au classique de 1933, mais aussi une relecture tour à tour grandiose, effrayante, drôle et touchante du mythe de la Belle et la Bête, agrémentée d’un parallèle inattendu avec « Au Cœur des Ténèbres » de Joseph Konrad.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en décembre 2009

(2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2010

 

© Gilles Penso

Partagez cet article