NOTRE DAME DE PARIS (1923)

Lon Chaney incarne le plus impressionnant des Quasimodo dans cette adaptation somptueuse du classique de Victor Hugo

THE HUNCHBACK OF NOTRE-DAME

 

1923 – USA

 

Réalisé par Wallace Worsley

 

Avec Lon Chaney, Patsy Ruth Miller, Norman Kerry, Kate Lester, Winifred Bryson, Nigel De Brulier

 

THEMA FREAKS

Notre Dame de Paris (aussi connu sous le titre Le Bossu de Notre Dame) est la première transposition à l’écran du roman-fleuve de Victor Hugo. Le coup d’essai est un coup de maître, car l’adaptation s’avère remarquable. Le prologue nous familiarise avec les personnages principaux : le roi des mendiants Clopin, le lugubre Jehan qui règne sur la célèbre cathédrale, le poète des rues Gringoire, le capitaine de la garde Phoebus, la misérable Marie devenue folle depuis l’enlèvement de son bébé par des gitanes, la belle Bohémienne Esmeralda et bien sûr Quasimodo, le hideux sonneur de cloches interprété et auto-maquillé par le génial Lon Chaney. Effrayants, l’œil blanc, la bouche grimaçante et les joues proéminentes du comédien (qui nécessitaient trois heures et demie de grimage quotidien) renvoient directement aux pages imagées de l’écrivain, qui décrivait ainsi Quasimodo : « Toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. » Et Hugo de conclure : « On eût dit un géant brisé et mal ressoudé. »

À l’image du héros contrefait de ce célébrissime mélodrame, les décors et les costumes du film de Wallace Worsley rendent fidèlement hommage au texte original, nantis d’une figuration importante qui permet d’impressionnantes reconstitutions de la fête des fous au pied de la cathédrale ou de la foisonnante cour des miracles. La scène mythique où le pauvre bossu, enchaîné à moitié nu sur une roue de pierre, le dos endolori par les coups de fouets, étanche sa soif grâce à une cruche d’eau apportée par une Esmeralda apitoyée, illustre magnifiquement la figure récurrente de la Belle et la Bête, à laquelle Lon Chaney se réfèrera souvent au cours de sa carrière, tout comme la plupart des « monster movies » Universal à venir.

La Belle et la Bête

La mise en scène de Worsley joue la carte de la métaphore (l’image d’une araignée dans sa toile s’intercale dans une scène où Phoebus prend Esmeralda dans ses bras, la flamme d’une bougie soufflée par Quasimodo s’insère au moment où Jehan poignarde le capitaine) et alterne avec talent les séquences horrifiques (Esmeralda soumise à la question dans un sinistre cachot médiéval) et les scènes poignantes (notamment lorsque Marie comprend qu’Esmeralda est sa fille). Au cours du climax, dantesque, la foule en furie de la cour des miracles et l’armée de Phoebus prennent d’assaut la cathédrale, défendue bec et ongle par Quasimodo qui protège Esmeralda en jetant des rochers et de l’huile bouillante sur les assiégeants. La réussite de Notre Dame de Paris est telle que toutes les adaptations ultérieures du chef d’œuvre d’Hugo s’y réfèreront systématiquement sans jamais parvenir à l’égaler totalement.

 

© Gilles Penso


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