CANDY LAND (2022)

Le sang et le sexe s’entremêlent étroitement dans ce slasher très particulier confrontant un petit groupe de prostituées à une série de meurtres brutaux…

CANDY LAND

 

2022 – USA

 

Réalisé par John Swab

 

Avec Olivia Luccardi, Eden Brolin, Sam Quartin, Owen Campbell, William Baldwin, Virginia Rand, Guinevere Turner, Brad Carter, Bruce Davis, Mark Ward

 

THEMA TUEURS

Spécialisé dans les films cérébraux revisitant les effets de style du cinéma de genre et notamment le thriller – Let Me Make You a Martyr (2016), Tun with the Hunted (2019), Body Brokers (2021) ou Ida Red (2021) -, John Swab décide en 2022 de s’attaquer à la figure du slasher qu’il souhaite détourner de ses codes classiques pour l’inscrire dans un contexte inhabituel. Il écrit et réalise donc Candy Land, qui marque sa cinquième collaboration consécutive avec le producteur Jeremy M. Rosen, et s’installe avec sa petite équipe dans le Montana. Si la majorité de ses comédiens sont peu connus, il s’offre tout de même la présence de William Baldwin dans le rôle ambigu d’un shérif complaisant aux pulsions troubles et incontrôlables. L’intrigue s’attache à un petit groupe hétéroclite de travailleurs du sexe qui sévissent dans un relais routier et cohabitent dans un motel sous la direction maternelle de la maquerelle Nora (Guinevere Turner). Il y a là Sadie (Sam Quartin), Riley (Eden Brolin) et Liv (Virginia Rand), ainsi que l’éphèbe Levi (Owen Campbell) qui ne laisse pas insensible le shérif Rex (Baldwin donc). Ce microcosme vit une routine sordide et désabusée sans faire de vagues.

Dès ses premières secondes, Candy Land expose sans la moindre retenue l’acte sexuel et la nudité frontale, mais en évacuant volontairement tout glamour. L’érotisme n’a pas droit de cité dans cet univers cafardeux et impersonnel où l’amour se monnaye. En ce sens, le visuel très provocateur de l’affiche du film est trompeur. Mais il est vendeur, il faut bien l’avouer ! Pour un long-métrage consacré à la prostitution, aguicher le chaland de manière racoleuse procède finalement d’une certaine logique. Un grain de sable va finir par s’immiscer dans le train-train quotidien des marchands de sexe. Il s’agit de Remy (Olivia Luccardi), une jeune femme en perdition. Membre d’une secte religieuse qui distribue à tout va des tracts annonçant que « la fin est proche » et qui prie pour le salut des âmes, Remy a fui les siens et se réfugie dans cette nouvelle « famille » bien peu orthodoxe. C’est alors qu’une série de meurtres ensanglante soudain le relais routier…

Le grand écart

Le son lancinant des camions, dont le klaxon prend les allures d’une corne de brume perdue dans le lointain, rythme le quotidien morose – mais filmé sans misérabilisme – des protagonistes de Candy Land. Lorsque survient la figure bigote de Remy, dont la motivation secrète semble être la volonté de purifier son entourage par tous les moyens, Saint Maud nous revient en mémoire. Mais il faut bien avouer que les motivations et l’évolution psychologique de cette jeune femme introvertie manquent de clarté, voire de crédibilité. Le premier meurtre que filme Swab est inattendu et franchement osé, mêlant de manière très étroite le plaisir de la chair et les agonies du supplicié. Cette scène trouvera son écho plus tard dans une autre mise à mort en plein acte sexuel où le sang écarlate saturera toute l’image. Opérant ans cesse le grand écart, Candy Land nage entre deux eaux. Son postulat pourrait être celui d’un film d’exploitation pur et dur. Il en comporte en effet les composantes idéales : le sexe, le sang et une pointe de religion déviante. Mais le film choisit de prendre ses distances avec le genre en se donnant les allures d’une chronique sociale doublée d’un drame psychologique. La démarche est intéressante mais pas totalement concluante. On en vient à se demander si une approche plus frontale (celle que promettait l’affiche avec son crucifix-couteau et son minishort aguicheur) n’aurait pas été plus efficace. Car pour être honnête, ni les amateurs de films d’horreur ni les spectateurs en quête d’un cinéma indépendant exigeant ne risquent de ressortir satisfaits de cette œuvre en équilibre instable.

 

© Gilles Penso


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