NEKROMANTIK 2 (1991)

Jörg Buttgereit donne une suite à son premier long-métrage choc en s’intéressant aux tourments d’une jeune femme nécrophile en quête d’amour…

NEKROMANTIK 2

 

1991 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Jörg Buttgereit

 

Avec Monika M., Mark Reeder, Simone Spörl, Beatrice Manowski, Wolfgang Müller, Lena Braun, Käthe Kruse, Florian Koerner von Gustorf, Eddi Zacharias

 

THEMA MORT

C’est dans une Allemagne encore secouée par la chute du mur de Berlin que Jörg Buttgereit décide de réaliser Nekromantik 2, la suite de son long-métrage sulfureux devenu culte après avoir eu maille à partir avec la censure locale. L’idée de ce second opus est née suite à la lecture du témoignage d’une véritable nécrophile dans les pages du livre « Apocalypse culture ». En découvrant à travers la confession de cette femme non pas un monstre mais une romantique désespérée, Buttgereit sait sous quel angle aborder Nekromantik 2. Au lieu de proposer aux amateurs du premier film une sorte de remake poussant plus loin les excès érotiques et horrifiques, le cinéaste préfère raconter cette suite comme une sorte d’histoire d’amour triste ponctuée d’images gore. Toujours tourné dans des conditions précaires et indépendantes, loin de l’industrie cinématographique officielle, Nekromantik 2 troque le format super 8 de son prédécesseur contre une pellicule 16 mm. La patine reste celle d’un film amateur à l’image délavée, aux mouvements de caméra accidentés, au montage approximatif et à la musique synthétique primitive. Le rythme lui-même est volontairement lent, à l’image des déplacements de cet escargot que le réalisateur filme en gros plan à mi-parcours de son métrage.

Le générique de début se déroule sur les images choc qui achevaient le premier Nekromantik, autrement dit un hara-kiri en pleine érection. Le corps du suicidé est aussitôt dérobé dans son cercueil par Monika (Monika M.) qui le ramène dans son appartement. Après avoir déballé le cadavre hors de son sac mortuaire, elle entreprend de le caresser et de l’embrasser, peu soucieuse de la matière gluante en décomposition qui le recouvre, et ne nous laissant pas de doute sur la suite de ses intentions. Dès qu’elle fait l’amour au macchabée, Jörg Buttgereit recours une nouvelle fois aux hideux effets de ralenti vidéo du film précédent, qui n’ont pas plus d’intérêt esthétique que dramatique. Mais au-delà de l’effet répulsif recherché, cette séquence présente une nouveauté qui justifie la démarche du cinéaste : Monika n’est pas du tout satisfaite par cette séance de nécrophilie. Dégoûtée, elle se réfugie même dans les toilettes. Incapable d’être satisfaite sexuellement par ce fantasme morbide, elle tente alors de mener une vie amoureuse normale auprès d’un jeune homme qu’elle a rencontré au cinéma, le sympathique Mark (Mark Reeder), dont le métier n’est pas banal pour autant : il est doubleur de films pornographiques !

La mort dans la peau

Dès lors, le film s’attarde sur des saynètes en caméra libre décrivant la romance naïve (à la fête foraine, au parc, au zoo) qui s’installe entre Monika et Mark. Malgré le caractère candide de ces séquences, Monika n’a visiblement pas réglé tous ses comptes avec ses envies de cadavres. Lorsqu’elle fait ses adieux déchirants au corps qu’elle a dérobé, le découpant en morceaux dans sa baignoire tandis que la bande originale tente la reprise d’un prélude de Bach, c’est pour finalement décider de conserver sa tête coupée et ses parties génitales. Quand plus tard elle fera l’amour à Mark, le montage alternera furtivement des images du cadavre à la place de son petit ami dans le lit. On sent bien que cette histoire va s’achever dans un bain de sang… Mais avant ce climax extrêmement brutal, Buttgereit prouve qu’il a aussi beaucoup d’humour, concoctant une parodie d’un film d’auteur européen en noir et blanc que va voir notre couple au cinéma (dans lequel un homme et une femme nus avalent des dizaines d’œufs en discutant ornithologie) ou une sorte de vidéoclip sirupeux autour d’une chanson en français qui évoque la putréfaction. Plus encore que Nekromantik, Nekromantik 2 aura de sérieux problèmes avec la censure. Accusé de glorifier la violence, le film est saisi par la police de Berlin en juin 1991 et Buttgereit mis au pilori. Il faudra attendre l’intervention d’un éminent expert en cinéma, prouvant la démarche artistique du réalisateur, pour que cette confiscation prenne fin. Entretemps, le film aura gagné ses galons d’œuvre culte auprès d’une communauté de fans irréductibles.

 

© Gilles Penso


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