LA PETITE SIRÈNE (2023)

La liste des remakes inutiles des classiques animés de Walt Disney se rallonge avec cette romance aquatique qui hélas boit la tasse…

THE LITTLE MERMAID

 

2023 – USA

 

Réalisé par Rob Marshall

 

Avec Halle Bailey, Jonah Hauer-King, Melissa McCarthy, Javier Bardem, Noma Dumezweni, Art Malik, Daveed Diggs, Jacob Tremblay, Awkwafina

 

THEMA CONTES I MONSTRES MARINS

« Une petite sirène noire ! C’est un scandale ! » Voilà ce que l’on pouvait entendre et lire partout après la diffusion de la bande annonce de ce remake du classique de John Musker et Ron Clements. Au lieu de s’indigner face à la couleur de la peau de l’actrice choisie pour incarner Ariel, n’eut-il pas été plus judicieux de voir le film d’abord et de s’exprimer après ? D’autant que cette histoire de couleur est un faux problème. La question n’est pas de savoir si la comédienne doit ressembler ou non à son modèle dessiné, mais plutôt de comprendre l’intérêt d’une relecture « live » d’un long-métrage animé, au-delà de la triviale motivation financière. Or une fois de plus, cet intérêt est hélas extrêmement limité, du moins pour le spectateur. Car ce qu’on aime le plus, dans un film comme celui-là, c’est ce qu’on aimait déjà dans le dessin animé original : les personnages, l’intrigue, les chansons. Et ce qu’on aime le moins, c’est ce qui le différencie de son modèle. Nous voici donc à nouveau plongés dans une situation impossible, l’un de ces cercles vicieux absurdes dont le studio Disney semble être devenu coutumier pour faire fructifier ses franchises en offrant « du neuf » avec « du vieux ».

C’est la nostalgie qui nourrit la curiosité de découvrir le remake « live », mais c’est aussi elle qui finit par alimenter la déception et la frustration. Comment des acteurs en chair et en os et des images de synthèse pourraient-ils rivaliser avec le charme premier et intact d’une ligne dessinée, d’un simple à-plat de couleur, d’une pureté esthétique ici pervertie au profit d’une sorte de quête désespérée de « photoréalisme » ? Certes, Halle Bailey est une charmante sirène, Javier Bardem en impose dans la peau du roi triton et Melissa McCarthy donne de sa personne sous les traits peu flatteurs de l’affreuse Ursula. La force de l’histoire – une sorte de « Romeo et Juliette » aquatique qui revisite Hans Christian Andersen avec beaucoup de liberté – demeure. Mais trente-quatre ans après le long-métrage animé, l’effet de surprise n’a plus cours et les choix artistiques opérés par Rob Marshall et son équipe nous laissent perplexe : des animaux qu’on tente de rendre bizarrement réalistes tout en les affublant de gros yeux cartoonesques (et de voix caricaturales), des séquences sous-marines aux effets visuels douteux qui semblent échappées d’Aquaman, un rallongement excessif du métrage (1h20 en 1989, 2h20 en 2023, cette heure supplémentaire était-elle vraiment nécessaire ?)…

Plouf !

Familier avec l’univers Disney (pour qui il a signé Pirates des Caraïbes : la fontaine de jouvence et Le Retour de Mary Poppins), Marshall fait du travail appliqué, montre son savoir-faire dans le domaine de la gestion des séquences spectaculaires (le naufrage, le climax apocalyptique), concocte quelques sympathiques moments de comédie intime (les passages assurément les plus intéressants du film) mais il n’y a pas d’âme, pas de vision, pas de défi dans cette Petite sirène trop formatée pour convaincre. Face à de telles considérations, qui se soucie de savoir si l’actrice principale a des origines afro-américaines ou non ? Halle Bailey constitue d’ailleurs l’une des rares bonnes surprises du film. On sent pourtant que le studio Disney lui-même n’est pas très au clair avec cette envie de montrer plus de diversité à l’écran, au point qu’il en vient à justifier maladroitement son choix à travers la présentation caricaturale des six autres filles du roi Triton, qui semblent échappées d’un spot de pub « United Colors of Benetton » des années 80 ! C’est bien la preuve – mais en fallait-il une supplémentaire ? – que les prises de position « progressistes » de Disney sont beaucoup moins morales que politiques. Bref, si vous êtes sensibles au destin de ces deux êtres solitaires qui cherchent désespérément à échapper à leur destin, le prince Éric qui ne souhaite pas se conformer aux codes rigides de la royauté et la sirène Ariel qui refuse de rester confinée sous les eaux sans découvrir le monde des humains à la surface… revoyez le film de John Musker et Ron Clements !

 

© Gilles Penso


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