AQUAMAN (2018)

Le super-héros amphibie de l’univers DC tient la vedette de son premier long-métrage solo sous les traits massifs de Jason Momoa

AQUAMAN

 

2018 – USA

 

Réalisé par James Wan

 

Avec Jason Momoa, Amber Heard, Willem Dafoe, Patrick Wilson, Nicole Kidman, Dolph Lundgren, Yahya Abdul-Mateen, Temuera Morrison, Ludi Lin, Djimon Hounsou

 

THEMA SUPER-HÉROS I MONSTRES MARINS I SAGA DC COMICS

A force de côtoyer le diable, James Wan aurait-il fini par lui vendre son âme ? Succombant à l’appel du blockbuster, le réalisateur surdoué de Saw, Insidious et Conjuring était déjà sorti de l’ornière de ses modestes films d’épouvante pour se frotter à la tôle froissée et à la testostérone de Fast and Furious 7. Après ce qui ressemblait à une parenthèse, il était « revenu dans le droit chemin »  en mettant son savoir-faire au service du second Conjuring. Mais le revoici propulsé dans une méga-production de 200 millions de dollars qui se positionne comme l’antithèse exacte du cinéma qui le fit connaître. Car Aquaman est tout ce que les premiers films de Wan ne sont pas : tapageur, excessif, outrancier, clinquant et tape-à-l’œil. L’homme-poisson de DC avait déjà fait quelques apparitions anecdotiques sous les traits de Jason Momoa dans Batman V. Superman et Justice League. Le voici désormais star de son propre long-métrage. Patrick Wilson, l’acteur fétiche de James Wan, hérite du rôle d’Orm, son demi-frère maléfique. A leurs côtés, on note la présence de Nicole Kidman, Willem Dafoe, Dolph Lundgren… Mais à quoi bon se payer un casting aussi prestigieux si c’est pour filmer tous ces acteurs sur fond bleu, agiter leurs cheveux numériquement, les placer à cheval sur des hippocampes géants en image de synthèse et leur faire déclamer des dialogues absurdes ?

Aquaman commence comme une relecture de Splash. En 1985, un brave gardien de phare (Temuera Morrison) découvre une Atlante échouée (Nicole Kidman), s’amourache d’elle et lui fait un enfant, avant qu’elle ne reparte rejoindre les siens. L’enfant grandit, est malmené par ses camarades de classe qu’il effraie en communiquant soudain avec un requin derrière une vitre, dans une sorte de remake aquatique d’une scène clé de Harry Potter. La finesse n’étant pas vraiment au rendez-vous de ces séquences pré-générique, on se dit que 2h30 de métrage, ça risque de faire long. Et effectivement, les choses ne s’arrangent pas beaucoup par la suite. Devenu un grand gaillard aux pouvoirs surhumains, notre héros mi-humain mi-atlante interrompt un acte de piraterie visant un sous-marin russe puis se retrouve au cœur d’une rivalité aquatique aux velléités shakespeariennes avec son demi-frère Orm (Patrick Wilson), aspirant au trône de l’Atlantide et désireux d’entrer en guerre contre les « Surfaciens », autrement dit nous autres, pauvres humains. Avec le soutien de la jolie rouquine Mera (Amber Heard) et du vénérable mentor Vulko (Willem Dafoe), Aquaman va tenter de contrecarrer les plans hégémoniques d’Orm et de remettre la main sur un trident ancestral caché aux confins de la planète…

On touche le fond !

De toute évidence, James Wan n’est pas ici dans son élément. La grande séquence de la découverte de l’Atlantide en est la meilleure preuve. Cette immersion spectaculaire soutenue par une partition de Rupert Gregson-Williams qui se prend soudain pour Vangelis nous en met plein la vue : des lumières partout, des vaisseaux futuristes, des vestiges de cités antiques, une épave de galion, de jolies méduses, des tortues marines et des requins… Le problème, c’est que Wan semble ne pas du tout savoir où mettre sa caméra. Cinéaste du huis-clos et de l’intime, le voilà soudain privé des quatre murs de son terrain de jeu habituel. Face à cet espace de liberté nouvellement acquis, il se perd. On jurerait qu’il laisse les clefs aux créateurs des animatiques et qu’il abdique. Il faut dire qu’avec ces 2300 plans truqués par onze compagnies d’effets spéciaux distinctes (notamment ILM, Weta et Digital Domain), il y a de quoi se laisser submerger. D’où ces mouvements de caméra circulaires qui tournent vainement autour des personnages en plein dialogue, comme s’il fallait optimiser toute cette imagerie numérique au lieu de se concentrer simplement sur les acteurs. Ou ces explosions qui surviennent à peu près tous les quarts d’heure pour interrompre des scènes de discussion et tenter de relancer l’intrigue (on croirait avoir affaire à un gag de répétition). Wan retrouve momentanément sa verve au cours de la scène des monstres de la fosse, qui rendent hommage à L’Étrange créature du lac noir et H.P. Lovecraft, mais c’est un peu court. Tout le potentiel dramatique du héros (à la fois souverain mythologique et icône de la pop culture) et de son antagoniste (qui se dresse contre les exactions des hommes à l’instar du capitaine Nemo de 20 000 lieues sous les mers) s’effacent derrière le lissage extrême de l’intrigue et ses clins d’œil maladroits (à Karaté Kid, Les Dents de la mer ou Pinocchio). En l’état, le spectacle de ces combats improbables à dos de squale donne à Aquaman les allures d’un Sharknado boosté aux dollars. Ce pourrait n’être qu’une erreur de parcours. Pourtant, face au succès colossal du film, Wan s’est aussitôt lancé dans les préparatifs de sa séquelle…

 

© Gilles Penso

 

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