LE BARON DE CRAC (1962)

Le réalisateur tchèque Karel Zeman s’empare des célèbres aventures du Baron de Munchausen pour en tirer un poème visuel délirant…

BARON PRÁSIL

 

1962 – TCHECOSLOVAQUIE

 

Réalisé par Karel Zeman

 

Avec Milos Kopecky, Jana Beejchova, Jan Werich, Rudolf Jelinek, Karel Höger, Nadesda Blazickova, Karel Effa, Josef Hlinomaz, Otto Simánek

 

THEMA CONTES

Historiquement, cette adaptation des aventures du mythique Baron de Münchhausen se situe exactement entre celle de Joseph Von Baky (1943) et celle de Terry Gilliam (1989). Et, tout naturellement, elle a subi les influences de la première, tout en servant de source d’inspiration à la seconde. Comme toujours chez Karel Zeman, le récit sert de prétexte à une accumulation de séquences fantastiques, drôles et joyeusement absurdes. Tout commence sur la lune, où le Baron de Munchausen (« Crac » dans la version française, incarné par Milos Kopecky) festoie avec Cyrano de Bergerac (Karel Höger) et Michel Ardan (Otto Simánek), le héros de Jules Verne. Là, le Baron est invité par Tonik (Rudolf Jelinek), un jeune cosmonaute, à faire un tour sur la Terre. Tonik et Crac visitent un palais à Constantinople, libèrent la jeune Princesse Bianca des griffes du sultan, prennent la fuite, sont avalés par une énorme baleine, rencontrent diverses créatures monstrueuses, participent à une bataille épique et se retrouvent finalement sur la lune.

Fidèle à ses habitudes, Zeman multiplie avec enthousiasme plusieurs modes d’expression visuelle, notamment l’incrustation des acteurs réels dans des environnements inspirés des œuvres de Gustave Doré, les maquettes, le dessin animé, les marionnettes mécaniques et les figurines animées image par image. Parmi les créatures mémorables du film, on note sept chevaux ailés qui tirent un drôle de navire dans les cieux étoilés (l’un d’entre eux ayant les allures d’un jouet en bois), un gigantesque serpent de mer qui vogue tranquillement à l’horizon en transportant dans sa gueule une pomme tentatrice, un dragon ailé qui a les allures d’une ancienne gravure, un araignée d’eau géante, un effrayant poisson volant, la baleine qui avale les héros (tour à tour figurine animée ou marionnette), un serpent qui s’échappe d’un tableau représentant Adam et Ève, un oiseau grand comme King Kong qui attaque le baron à la manière du Roc du 7e voyage de Sinbad, un cheval des mers aux pattes palmées, ou encore une sirène qui se transforme en requin. Tous ces animaux fantasmagoriques sont animés avec beaucoup de fluidité et combinés aux comédiens réels via de très habiles incrustations.

Folies surréalistes

Le Baron de Crac est donc un véritable festival de séquences délicieusement surréalistes où l’art du bricolage de Zeman et sa propension à mélanger toutes les techniques à sa disposition transportent le spectateur dans un univers inclassable, comparable à nul autre, à mi-chemin entre les prises de vues réelles, l’animation et le livre pour enfants. Les images folles abondent, comme ce cheval qui saute au-dessus d’un précipice titanesque ou cet astronaute et cet homme en armure qui s’envolent côte à côte. Bien sûr, l’un des moments clés du film est la célèbre séquence du vol du baron à cheval sur un boulet de canon. Face à la quantité astronomique de trucages du film, on comprend pourquoi il a fallu trois longues années pour le mener à bien. Le Baron de Crac permettra à Karel Zeman de remporter en 1962 la Voile d’Or du Festival International de Locarno.

 

© Gilles Penso


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