L’ÎLE MYSTÉRIEUSE (1929)

Une adaptation extrêmement libre du roman de Jules Verne, généreuse en scènes de batailles et en créatures sous-marines fantastiques…

THE MYSTERIOUS ISLAND

 

1929 – USA

 

Réalisé par Lucien Hubbard

 

Avec Lionel Barrymore, Jacqueline Gadsdon, Lloyd Hughes, Montagu Love, Harry Gribbon, Snitz Edwards, Gibson Gowland, Dolores Brinkman, Karl Dane

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I MONSTRES MARINS

Malgré son titre, cette Île mystérieuse n’a pas grand-chose à voir avec le roman de Jules Verne dont elle est censée s’inspirer, si ce n’est la présence du capitaine Nemo, ici rebaptisé Dakkar (le véritable nom du personnage, conformément à ce que nous apprenions de la plume même de Verne). Pour le reste, il s’agit d’une aventure exotico-fantastique délirante réalisée dans des conditions aussi épiques que le film lui-même. Budgété à 1 130 000 dollars, L’Île mystérieuse entre en production en 1926 et collectionne d’emblée les problèmes logistiques et techniques, au point que trois réalisateurs se succèdent à tour de rôle derrière la caméra : Maurice Tourneur (La Main du diable), Benjamin Christensen (La Sorcellerie à travers les âges) et le beaucoup moins connu Lucien Hubbard qui sera le seul crédité au générique. Le tournage s’étire tant qu’entre-temps le cinéma devient parlant. Embarrassée avec cette superproduction muette qui risque d’être soudain datée, la MGM fait donc ajouter des séquences parlantes, accentuant la singularité du film qui, majoritairement muet et ponctué d’intertitres, nous laisse parfois entendre le dialogue des personnages.

L’île mystérieuse du titre n’entretient donc aucun lien avec celle où s’échouent les Confédérés du roman de Verne. Il s’agit ici d’une terre volcanique entourée de flots sur laquelle s’est établi le comte Dakkar (Lionel Barrymore), un scientifique passionné par les fonds marins qui règne avec bienveillance sur tous les habitants de l’île œuvrant pour lui. Persuadé qu’une espèce voisine de la race humaine a évolué parallèlement à nous dans les océans, il a fait fabriquer deux sous-marins avant-gardistes avec l’aide de sa fille Sonia (Jacqueline Gadsdon) et de l’ingénieur en chef Nikolaï (Lloyd Hughes). Mais alors qu’ils s’apprêtent à explorer les fonds marins, le vil baron Falon (Montagu Love), ancien ami de Dakkar, débarque avec ses troupes et sème la terreur, bien décidé à s’emparer des inventions de Dakkar pour conquérir le monde. La bataille va se poursuivre plusieurs milliers de lieues sous les mers, là où vivent de bien étranges créatures…

Le peuple des abysses

Honnêtement, L’île mystérieuse aurait parfaitement pu se passer de ses scènes de dialogues, ajoutées artificiellement dans l’intrigue et accusant un certain statisme. D’autant que dans celles-ci, Lionel Barrymore se livre à une prestation très étrange. Bardé de tics nerveux, le cheveu en bataille, le regard vitreux et la veste trop grande, il ressemble plus à un ancêtre de l’inspecteur Columbo qu’à un éminent scientifique doublé d’un comte de haut rang. Si les grandes scènes de cavalcade et de combats se révèlent spectaculaire, la partie la plus divertissante du film se déroule sous l’eau. Là, les sous-marins sont de jolies maquettes évoluant dans des décors miniatures, les héros s’engoncent dans des scaphandres énormes annonçant le look de Robby le robot, le peuple des abysses qui les attaque a les allures d’hommes trapus de petite taille aux yeux brillants et aux pieds palmés, et quelques monstres démesurés se mêlent à cette joyeuse farandole : une pieuvre géante héritée de toute évidence de « 20 000 lieues sous les mers » et une sorte de dinosaure sous-marin. Il s’agit en réalité un petit crocodile affublé de prothèses qui hérissent son dos et son crâne de protubérances pseudo-préhistoriques. De la stop-motion façon Willis O’Brien aurait été bien plus efficace que ce saurien qui avance à pas de fourmi, mais sa présence reste visuellement frappante. Riche en effets visuels ambitieux, le dernier acte de L’Île mystérieuse est donc un spectacle étonnant qui paie son tribut aux tours de magie de Georges Méliès et mérite à lui seul le visionnage de ce film extravagant coincé entre deux époques.

 

© Gilles Penso


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