V (1983-1985)

De sympathiques visiteurs extra-terrestres débarquent sur Terre pour partager leur savoir… Sympathiques ? Vraiment ?

V

 

1983/1985 – USA

 

Créée par Kenneth Johnson

 

Avec Marc Singer, Jane Badler, Faye Grant, Blair Tefkin, Robert Englund, Richard Herd, Bonnie Bartlett, Diane Cary, Richard Lawson, Michael Ironside

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Depuis qu’il a déplacé massivement les foules devant leurs postes de télévision en créant tour à tour L’Homme qui valait trois milliards, Super Jaimie et L’Incroyable Hulk, Kenneth Johnson est un homme respecté par toutes les chaînes américaines. Pour autant, il a beaucoup de mal à convaincre NBC de se lancer dans la série TV Storm Warning qu’il a en tête. Le concept, inspiré par le roman « Impossible ici » de Sinclair Lewis (publié en 1935), consiste à raconter la montée progressive d’un régime fasciste aux États-Unis jusqu’à l’instauration d’une dictature. Jugé trop anxiogène et pas assez distrayant pour le public américain, le projet est gentiment écarté de la main. Mais Johnson est un malin. Lorsqu’il revient à la charge, c’est avec ce qui semble être une toute autre idée : des extra-terrestres, des vaisseaux spatiaux, des rayons laser, des hommes-lézards, le tout sous l’influence évidente de Star Wars. Cette fois-ci, la chaîne accepte avec enthousiasme. Pourtant, le concept de V est exactement le même que celui de Storm Warning, si ce n’est que les fascistes américains ont été remplacés par des aliens. Véritable « cheval de Troie », la mini-série (constituée de deux épisodes de 100 minutes chacun) cache donc sous ses allures de show de science-fiction une réflexion implacable sur la montée du nazisme. Ce sera, sans conteste, le chef d’œuvre de Kenneth Johnson.

Au cours d’un prologue qui a inspiré de toute évidence celui d’Independence Day, cinquante gigantesques soucoupes volantes surgissent du jour au lendemain au-dessus des grandes villes de notre planète. Les occupants de ces vaisseaux ressemblent à des humains, si ce n’est qu’ils portent des lunettes spéciales pour protéger leurs yeux et que leur voix a une résonance particulière. Ces aliens aux intentions pacifiques cherchent l’aide des humains pour obtenir des produits chimiques et des minéraux afin d’aider leur planète. En échange, ils promettent de partager leur technologie avancée avec l’humanité. Les gouvernements de la Terre acceptent l’arrangement et les Visiteurs, commandés par leur chef John (Richard Herd) et son adjointe Diana (Jane Badler), commencent à acquérir une influence considérable sur les autorités humaines. Ils sont désormais partout, occupent les médias, séduisent le grand public, apparaissent sur des campagnes d’affiches publicitaires, enrôlent la jeunesse terrienne dans leurs programmes de formation… Bientôt, la communauté scientifique commence à s’interroger sur la véritable nature de ces voisins d’outre-espace. Mais c’est un journaliste de terrain, Mike Donovan (Marc Singer), qui finit par percer leur terrible secret.

Nous venons en paix

Kenneth Johnson ne cherche jamais à cacher la parabole qui sous-tend le scénario de V. Les Visiteurs portent un uniforme dont l’emblème reprend la forme de la croix gammée, leurs armes sont des variantes futuristes de Luger allemands, le mouvement des « amis des Visiteurs » s’inspire des jeunesses hitlériennes… L’utilisation habile de la propagande, l’incitation à la collaboration et à la délation, la formation de mouvements de résistance, tout dans la série se veut un reflet de ce que fut l’Europe occupée pendant la seconde guerre mondiale, avec en filigrane la question fatidique : et si ça recommençait ? Le V du titre désigne alors non seulement les Visiteurs mais aussi le V de la victoire qui sert de signe de ralliement aux nouveaux maquisards. Le jeu du miroir déformant est d’autant plus efficace que V déploie par ailleurs une mise en forme très récréative assumant pleinement sa nature de récit de science-fiction. D’où l’emploi d’effets visuels très ambitieux pour montrer les soucoupes géantes et les vaisseaux de chasse, ainsi que des maquillages spéciaux spectaculaires lorsque le visage des Visiteurs révèle leur véritable morphologie de reptiles extra-terrestres. Après la première mini-série V et sa suite V : la bataille finale (trois épisodes de 90 minutes), l’histoire aurait dû s’arrêter là, laissant le public accroché à un cliffhanger habile. Mais le succès mérité de ce show remarquable (assurément l’un des plus importants de son époque) donna naissance à une suite déployant sur 19 épisodes des aventures efficaces mais beaucoup moins subtiles, laissant la science-fiction prendre largement le pas sur la métaphore historico-politique. Kenneth Johnson, lui, quitta le navire à mi-parcours, suite à un désaccord avec NBC.

 

© Gilles Penso


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