Le premier long-métrage animé consacré à la célèbre famille macabre de Charles Addams…
THE ADDAMS FAMILY
2019 – USA
Réalisé par Greg Tiernan et Conrad Vernon
Avec les voix de Oscar Isaac, Charlize Theron, Chloë Grace Moretz, Finn Wolfhard, Nick Kroll, Bette Midler, Allison Janney, Martin Short, Catherine O’Hara, Snoop Dogg
THEMA FREAKS I MAINS VIVANTES
En 2010, Illumination Entertainment (Moi moche et méchant, Les Minions) fait l’acquisition des droits d’adaptation des dessins de Charles Addams et prépare un long-métrage animé qui – contrairement aux habitudes du studio franco-américain – n’est pas prévu en images de synthèse mais en stop-motion, à la manière de L’Étrange Noël de Monsieur Jack ou des Noces funèbres, et ce pour une raison très particulière : Tim Burton est censé le réaliser. Hélas, le projet n’aboutit pas. Burton s’en va alors réaliser Frankenweenie et les droits de La Famille Addams atterrissent chez Metro-Goldwyn-Meyer. Retour donc à la case départ et à l’animation digitale, finalement confiée aux compagnies Cinesite et Nitrogen. Greg Tiernan (Sausage Party) et Conrad Vernon (Monstres contre Aliens) assurent la mise en scène de ce long-métrage conçu principalement pour le jeune public friand de gentils frissons. Pour mettre toutes les chances de son côté, la MGM sollicite un casting vocal de premier ordre, avec notamment Oscar Isaac (Gomez), Charlize Theron (Morticia), Chloë Grace Moretz (Mercredi), Bette Midler (la grand-mère), Martin Short et Catherine O’Hara (les parents de Morticia) ou même Snoop Dogg (qui assure les gargarismes du cousin Machin).
Le pré-générique est une savoureuse « origin story » qui commence par le mariage de Gomez et Morticia, interrompu par des villageois en colère désireux de chasser les Addams loin de leurs terres. Les fuyards rencontrent sur leur route Lurch, échappé d’un hôpital psychiatrique puis reconverti en fidèle majordome, et découvrent dans la foulée un sinistre asile gothique abandonné qui devient leur nouvelle maison, foyer idéal pour leurs futurs rejetons Mercredi et Pugsley. En quelques minutes, le décor est donc planté. Si le cadre nous est familier, le film offre quelques nouveautés comme l’arbre vivant Ichabod, la plante carnivore Cléopâtre, le poulpe Socrate (variante de celui présent dans la série des années 60), le lion Kitty, des têtes réduites chanteuses et l’esprit de la maison qui grogne régulièrement pour en chasser les habitants. L’intrigue tourne autour des manigances de Margaux Needler, une animatrice de télé-réalité spécialisée dans la décoration qui cherche à chasser les Addams pour éviter d’entacher la communauté aseptisée sur laquelle elle règne fièrement. Parallèlement, Pugsley se prépare à un rite de passage ancestral, la Mazurka, pour lequel tous les cousins, oncles et tantes de la famille Addams se réuniront. Une belle pagaille en perspective, donc…
Expressionisme caricatural
À travers l’atmosphère de cette Famille Addams, il n’est pas difficile de reconnaître l’influence (consciente ou non) de Tim Burton, et donc d’avoir un petit aperçu de ce qu’aurait donné le film tel qu’il était initialement prévu. Certaines séquences, comme celle des grenouilles zombies dans la classe de sciences naturelles, semblent d’ailleurs directement échappée de Frankenweenie. Voir La Famille Addams s’animer en stop-motion aurait évidemment été un délice, l’image de synthèse n’offrant pas le rendu tactile et artisanal qu’on aurait pu espérer. Mais il faut reconnaître que les designs des personnages sont intéressants, revenant aux sources des dessins de Charles Addams, et que l’animation numérique sait éviter la quête vaine du naturalisme pour pencher vers une certaine forme d’expressionnisme caricatural. Saluons aussi la bande originale aux accents tziganes de Jeff et Mychael Danna qui réinterprètent à leur manière le fameux thème musical de Vic Mizzy. Le problème du film vient surtout de son intrigue faible et distendue qui ne tient pas vraiment la distance, surtout si l’on compare avec les deux films live de Barry Sonnenfeld. Greg Tiernan et Conrad Vernon accumulent donc un grand nombre de gags visuels et sonores, de clins d’œil référentiels et de numéros musicaux dans l’espoir de combler les lacunes scénaristiques, sans y parvenir totalement. Sympathique à défaut d’être inoubliable, La Famille Addams remportera un succès suffisant pour générer une suite sortie sur les écrans en 2021.
© Gilles Penso
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