LE MIROIR DE LA SORCIÈRE (1960)

Une tortueuse histoire de sorcellerie et de fantôme qui se laisse inspirer par Alfred Hitchcock et Georges Franju…

EL ESPEJO DE LA BRUJA

 

1960 – MEXIQUE

 

Réalisé par Chano Urueta

 

Avec Rosa Arenas, Armando Calvo, Isabela Corona, Dina de Marco, Carlos Nieto, Alfredo Wally Barron

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I FANTÔMES

La contribution du producteur Abel Salazar à l’épanouissement du cinéma fantastique mexicain est inestimable, et ce déconcertant Miroir de la sorcière en est une nouvelle preuve. Le prologue, constitué d’une compilation de gravures et de dessins variés, nous énumère les exactions des sorcières à travers les âges, par le biais d’une voix off érudite : « ses adeptes blasphèment, sacrifient des enfants avant leur baptême, jurent au nom de Lucifer, tuent puis font cuire leurs victimes, vivent de charognes et de pendus, tuent avec des venins et des sortilèges, causent la folie et une centaine d’horreurs dont est infestée l’histoire de cette caste maudite. » Mais cette approche encyclopédique n’est qu’un leurre, dans la mesure où le récit n’emploie la sorcellerie que pour ses gimmicks (pentacle, poudre magique, bougies, tarentule, chouette, corbeau empaillé, chat noir), l’intérêt du film résidant ailleurs. D’ailleurs, la sorcière du film, Sara (Isabela Corona), invoque le diable de façon très fantaisiste, employant tour à tour ses appellations usuelles (Satan, Lucifer) ou d’autres carrément hors sujet (Elohim, autrement dit « anges » en hébreu, ou Adonaï, le nom de Dieu tel qu’il est désigné dans l’ancien testament et la Thora).

Agissant sous couvert de ses activités de gouvernante dans la somptueuse demeure du docteur Eduardo Ramos (Armando Calvo), elle possède un miroir magique au moins aussi bavard que celui de la sorcière de Blanche Neige. A travers celui-ci, elle découvre que Ramos projette d’assassiner son épouse, la jeune Elena (Dina de Marco) que Sara a pris sous son aile. Et effectivement, le médecin sans scrupule prépare un verre de lait empoisonné à sa femme, à la manière de Cary Grant dans Soupçons. L’ombre d’Alfred Hitchcock plane d’ailleurs à plusieurs reprises sur le métrage, qui n’est pas sans similitudes avec Rebecca. Car Deborah (Rosa Arenas), la nouvelle épouse fraîchement débarquée chez Ramos, souffre de l’évocation perpétuelle de la femme qui la précéda. Si ce n’est qu’ici, le surnaturel rend la « présence » de la défunte plus tangible. Les phénomènes étranges se succèdent à tour de bras : des fleurs se fanent à vue d’œil dans un vase, un journal intime se volatilise, un feu de cheminée s’éteint sans raison, le piano joue tout seul…

Sorcière aguerrie et fantôme vengeur

Invoqué par Sara par l’intermédiaire du miroir, le fantôme d’Elena finit par provoquer une belle panique, qui se solde par un incendie au cours duquel Deborah est grièvement brûlée. Son époux n’a alors qu’une idée en tête : redonner à la malheureuse sa beauté d’antan, quitte à emprunter le visage et les mains de cadavres de jolies jeunes femmes dérobés à la morgue ou dans le cimetière le plus proche. Le Miroir de la sorcière se laisse alors volontiers inspirer par Les Mains d’Orlac et Les Yeux sans visage, et son scénario emprunte dès lors des chemins tortueux et inattendus. Car la sorcière aguerrie et le fantôme vengeur vont évidemment s’immiscer dans les plans du médecin exalté. Le drame va donc crescendo, et le tout s’achève sur un dénouement qui n’hésite pas à en faire des tonnes et s’offre un dernier clin d’œil à Hitchcock : le fameux meurtre aux ciseaux du Crime était presque parfait.

 

© Gilles Penso


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