ZELIG (1983)

Woody Allen se met en scène dans le rôle d’un homme capable de se métamorphoser pour s’adapter à tous les environnements…

ZELIG

 

1983 – USA

 

Réalisé par Woody Allen

 

Avec Woody Allen, Mia Farrow, John Buckwalter, Paul Nevens, Martin Chatinover, Stanley Swerdlow, Howard Erskine

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

C’est en regardant une série d’émissions historiques animées sur HBO par son ami Dick Cavett, Time-Life, que Woody Allen commence à laisser mûrir dans son esprit l’idée de Zelig. Le show de Cavett utilise en effet des trucages pour l’insérer dans des images d’archives réelles. Allen imagine donc un scénario dans lequel un personnage traverserait les grands événements historiques des années 1920 et 1930, le tout sous forme d’un faux documentaire (exercice auquel il s’était déjà frotté en 1969 avec Prends l’oseille et tire-toi !). Pour donner corps à son film, il lui faut s’appuyer sur des effets visuels d’avant-garde mais aussi sur des maquillages spéciaux élaborés, puisque le protagoniste (qu’il interprète lui-même) se métamorphose régulièrement en faisant preuve d’un mimétisme hors du commun. Le pionnier de l’imagerie numérique Joel Hynek (Une créature de rêve, Predator) et l’expert des effets cosmétiques John Caglione (La Guerre du feu, Les Prédateurs) sont donc à pied d’œuvre. Pour le titre, Woody Allen se tâte. Il pense d’abord à The Changing Man, puis à The Cat’s Pajamas, The Chameleon Man, Identity Crisis and Its Relationship to Personality Disorder (!) avant d’opter finalement pour Zelig, un mot Yiddish qu’on pourrait traduire par « béni ».

L’année 1928 marque la première apparition d’un certain Leonard Zelig qui a l’étonnante faculté de prendre l’apparence de ceux qu’il côtoie. Il est observé pour la première fois lors d’une fête par F. Scott Fitzgerald. Zelig s’adresse aux invités fortunés avec un accent bostonien raffiné et partage leurs sympathies républicaines, mais lorsqu’il est dans la cuisine avec les domestiques, il adopte un ton plus grossier et semble être plus démocrate. Cet homme singulier acquiert bientôt une renommée internationale en tant que « caméléon humain ». Écrivain auprès d’Eugene O’Neill, boxeur près de Jack Dempsey, obèse devant des obèses, Zelig est un cas unique au monde qui intéresse naturellement toutes les sommités scientifiques. La psychiatre Eudora Fletcher (Mia Farrow) fait ce qu’elle peut pour l’aider à surmonter ce trouble étrange. Grâce à l’hypnose, elle découvre que Zelig aspire tellement à être approuvé qu’il se transforme physiquement pour s’adapter à ceux qui l’entourent.

L’homme caméléon

Le postulat de Zelig est absolument génial. Les métamorphoses multiples d’un homme ressentant le besoin de se mêler à ceux qui l’entourent, il fallait y penser ! Traité comme une comédie « classique », cette idée aurait donné lieu à une infinité de situations burlesques et de quiproquos en tout genre. Woody Allen a-t-il eu raison d’opter plutôt pour le pseudo-documentaire ? Il faut reconnaître que la mise en forme est impeccable et que l’intégration de l’acteur/réalisateur dans des films d’archive, des photos d’époque ou des extraits d’interviews s’avère souvent criante de réalisme, annonçant les effets visuels qu’utilisera Robert Zemeckis pour Forrest Gump. Par ailleurs, ce parti pris narratif permet une satire efficace du journalisme, de la communauté scientifique et de l’opinion publique. En tournant le dos aux conventions de la fiction pour imiter le travail des documentaristes, il nous semble malgré tout qu’Allen passe un peu à côté de son sujet, se privant du plein potentiel comique de son histoire au profit de la performance technique – laquelle permettra au directeur de la photographie Gordon Willis d’obtenir sa première nomination aux Oscars. Dommage : les sourires amusés auraient pu se muer en francs fous rires. On note que Zelig marque la seconde collaboration entre Woody Allen et Mia Farrow après Comédie érotique d’une nuit d’été. Ces deux-là tourneront encore onze fois ensemble !

 

© Gilles Penso


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