MISE À MORT DU CERF SACRÉ (2017)

Colin Farrell et Nicole Kidman campent un couple faussement tranquille dont la vie bascule suite à une malédiction terrifiante…

THE KILLING OF A SACRED DEER

 

2017 – USA / GB

 

Réalisé par Yorgos Lanthimos

 

Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Raffey Cassidy, Sunny Sujlic, Alicia Silverstone, Bill Camp

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Porté à bout de bras par un casting prestigieux, Mise à mort du cerf sacré est une œuvre profondément perturbante dont le titre énigmatique se réfère au mythe d’Iphigénie tel qu’il fut revisité dans la tragédie d’Euripide. Cette pièce classique conçue en l’an 405 avant JC donne quelques pistes et une poignée de clefs susceptibles de mieux comprendre le scénario à priori hermétique élaboré par Yorgos Lanthimos. Très remarqué grâce à Canine et The Lobster, le cinéaste a su fédérer autour de lui une importante communauté d’aficionados parmi lesquels se trouvent les actrices Nicole Kidman et Alicia Silverstone. Ces dernières le supplient quasiment de les engager pour son nouveau fait d’arme. Voilà comment toutes deux se retrouvent en tête d’affiche de Mise à mort du cerf sacré, aux côtés de Colin Farrell qui connaît déjà le réalisateur puisqu’il vient justement de tourner The Lobster avec lui. Farrell avoue avoir été saisi de nausée après avoir lu le script. Loin de le décourager, ce sentiment affûte son intérêt et attise son envie de participer à un long-métrage qui s’annonce résolument inclassable.

Farrell incarne Steven Murphy, un chirurgien renommé qui s’attache à Martin (Barry Keoghan), un adolescent obséquieux dont le père est mort sur sa table d’opération. Steven est-il responsable de ce décès ? Ses penchants pour la boisson l’ont-ils poussé à prendre de mauvaises décisions ? Toujours est-il que les relations qui commencent à s’établir entre lui et Martin prennent une tournure bizarre, un peu possessive, dictée par un sentiment de culpabilité. Bientôt le jeune homme s’immisce dans la famille du chirurgien, rencontre son épouse (Nicole Kidman) et ses deux enfants… L’atmosphère du film devient de plus en plus pesante, rythmée par une bande originale stressante à base de violons hurlants et de percussions agressives. Empruntant une méthodologie proche de celle de William Friedkin pour L’Exorciste, le réalisateur ne fait pas appel à un seul compositeur pour la musique de son film mais choisit d’alterner des créations originales et des morceaux classiques. Ainsi sollicite-t-il le violoniste Oleh Krysa et l’accordéoniste Janne Raettya pour écrire des morceaux extrêmement angoissants, muant les instruments en générateurs de plaintes dissonantes suscitant un malaise immédiat et durable.

Malaise, inconfort et rejet

Le personnage du chirurgien campé par Colin Farrell est lui-même un peu trouble. Lorsque nous découvrons qu’il demande régulièrement à sa femme de simuler l’anesthésie générale avant de lui faire l’amour, L’Effroyable secret du docteur Hichcock de Riccardo Freda nous revient en mémoire. Le fantastique s’installe progressivement, sous forme d’un dilemme impensable assorti d’une malédiction terrible et insidieuse. La direction artistique de Mise à mort du cerf sacré se révèle très soignée – visiblement inspirée par les peintures d’Edward Hopper -, les acteurs sont impeccables, la mise en scène volontairement glaciale, et certaines séquences véhiculent un humour noir un peu désespéré (le tête-à-tête du chirurgien avec la mère de l’adolescent), mais l’on ne comprend pas bien où le réalisateur veut en venir. Lanthimos parvient certes à engendrer l’inconfort et les réactions de rejet viscérales (dès le générique avec son gros plan sur une opération à cœur ouvert bien réelle), mais la démarche excessivement « auteurisante » semble un peu vaine, dans la mouvance de certains films de Michael Haneke dont la provocation facile semble être la raison d’être principale. C’est donc sur un sentiment très mitigé que nous laisse cette Mise à mort nébuleuse.

 

© Gilles Penso


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