

Emma Watson endosse la robe de Belle dans ce remake soigné mais vain du magnifique film animé de 1991…
BEAUTY AND THE BEAST
2017 – USA
Réalisé par Bill Condon
Avec Emma Watson, Dan Stevens, Luke Evans, Josh Gad, Kevin Kline, Hattie Morahan, Haydn Gwynne, Gerard Horan, Ray Fearon, Ewan McGregor
THEMA CONTES
Après le succès critique et financier du Livre de la jungle (2016), Disney s’engage dans une ambitieuse opération de recyclage live-action de ses grands classiques. Dans ce cadre, le remake de La Belle et la Bête s’impose comme une évidence stratégique. Le dessin animé de 1991, premier film d’animation nommé à l’Oscar du meilleur film, a marqué toute une génération. Remettre en image cette œuvre culte représente autant une opportunité commerciale qu’un défi artistique. Pour Dan Stevens (la Bête) et surtout Emma Watson, qui endosse les atours de Belle, c’est l’occasion de revisiter une icône intemporelle. La réalisation est confiée à Bill Condon, vétéran solide et éclectique (Dreamgirls, Twilight 4 & 5) et surtout amoureux des comédies musicales. L’objectif est clair : transposer fidèlement l’œuvre animée en prise de vue réelle, avec une très grosse ambition visuelle et une pincée de modernité. « Il ne s’agissait pas de réinventer le film original », explique Condon. « Mais en le transposant dans le monde réel, nous avons commencé à nous poser des questions qui n’avaient pas d’importance dans le film d’animation. Comment Belle et Maurice se sont-ils retrouvés dans ce village ? Que s’est-il passé avec sa mère ? Comment le Prince est-il devenu une figure aussi dissolue au point d’être maudit ? Je pouvais toujours m’appuyer sur ma propre révérence pour le film original afin de décider quoi changer sans aller trop loin. » (1)


Le tournage débute en 2015, sur fond de technologies avancées : la Bête est entièrement créée en images de synthèse, via un système de performance capture, tandis que les objets enchantés (Lumière, Big Ben, Mme Samovar…) sont conçus en animation numérique pure et dure. Alan Menken, déjà à l’œuvre en 1991, revient pour adapter ses mélodies mythiques et composer de nouveaux morceaux. Parmi eux, « Evermore », chanté par la Bête, tente de lui donner plus d’épaisseur émotionnelle, sans égaler le romantisme fragile de « Something There ». Emma Watson, très impliquée, impose une version moderne de Belle : une jeune femme indépendante, qui enseigne la lecture aux filles du village et refuse les avances de Gaston avec une fierté assumée. Si l’intention est louable, l’exécution demeure un peu scolaire. L’actrice semble en effet emprisonnée par la lourdeur du dispositif. Même constat pour la direction artistique. Luxuriante, presque écrasante, partagée entre les décors baroques du château et le village propret façon carte postale, elle nous offre une esthétique léchée tout en laissant s’installer un sentiment de distance.
Belle mais bête
Si le film de Condon est une indiscutable réussite visuelle, bien malin sera celui qui lui trouvera une âme. L’exécution est belle, certes, mais un peu froide et surtout vaine, pâlissant cruellement de la comparaison avec son extraordinaire modèle. De fait, même si Emma Watson fait manifestement du mieux qu’elle peut (en cherchant à s’éloigner du personnage d’Hermione Granger qui lui collait jusqu’alors à la peau) et si le travail des effets visuels reste impressionnant, la finesse, l’élégance et la pureté des dessins originaux font cruellement défaut à cette version, dont on ne comprend honnêtement pas l’intérêt artistique. Commercialement, c’est une autre histoire. Avec plus d’un milliard de dollars au box-office, La Belle et la Bête version 2017 est un succès éclatant… mais aussi un symbole. Celui d’un cinéma qui mise sur la nostalgie plutôt que sur l’inventivité, d’un remake qui reproduit sans transcender, d’un film techniquement irréprochable mais émotionnellement creux. Avec le recul, et face aux insipides Aladdin, Peter Pan et Wendy, La Petite sirène ou Blanche Neige qui lui succèderont, ce remake aura toutefois tendance à être réévalué à la hausse. Après tout, Bill Condon est un homme de goût au style raffiné, même si cela se voit peu dans le cadre d’un produit aussi formaté.
(1) Extrait d’une interview publiée dans Raising Whasians en mars 2017
© Gilles Penso
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