

Un professeur de l’université de Miskatonic enquête sur une race de crustacés extra-terrestres qui se seraient installés dans le Vermont…
THE WHISPERER IN DARKNESS
2011 – USA
Réalisé par Sean Branney
Avec Matt Foyer, Barry Lynch, Stephen Blackehart, Autumn Wendel, Zack Gold, P.J. King, Casey Kramer, Annie Abrams, Andrew Leman, Matt Lagan, Daniel Kaemon
THEMA EXTRA-TERRESTRES
Si La Couleur tombée du ciel est sans conteste le plus célèbre des récits de H.P. Lovecraft consacré aux horreurs venues du cosmos, ce n’est pas le seul. En 1931, très impressionné par la découverte encore toute récente de Pluton par l’astronome Clyde William Tombaugh, l’écrivain se lance dans Celui qui chuchotait dans les ténèbres. Cette histoire insensée s’intéresse à une race d’hommes-crabes géants d’outre-espace s’étant établis dans une région reculée du Vermont depuis leur base située sur la planète « Yuggoth », autrement dit Pluton. Mais l’auteur s’empresse de dire que l’origine de ces monstres est encore plus lointaine. « Yuggoth n’est qu’un avant-poste », dit-il. « La plupart de ces êtres habitent dans des abîmes curieusement organisés, entièrement inconcevables pour l’esprit humain. » Habituellement chiche en descriptions pour laisser l’imagination des lecteurs vagabonder, Lovecraft se veut un peu plus précis lorsqu’il s’agit de tracer les contours de ces arthropodes venus d’ailleurs. « C’étaient des créatures rosâtres d’environ cinq pieds de long », détaille-t-il. « Leur corps crustacéen portait une paire de vastes nageoires dorsales ou d’ailes membraneuses, et plusieurs groupes de membres articulés ; une espèce d’ellipsoïde couvert d’une multitude de courtes antennes leur tenait lieu de tête. »


Si elle inspire de manière très lointaine le troisième segment du film à sketches Necronomicon co-réalisé par Brian Yuzna, Christophe Gans et Shusuke Kaneko, la nouvelle attend encore son adaptation officielle. C’est la très respectable H.P. Lovecraft Historical Society qui va s’en charger en 2011. Déjà responsable du très réussi The Call of Cthulhu, qui transposait à l’écran l’un des plus fameux mythes lovecraftiens en adoptant la mise en forme d’un film muet des années 20, la HPLHS produit cette fois-ci un long-métrage imitant les classiques de l’épouvante en noir et blanc des années 30, pour se conformer une fois de plus à la date de publication du texte original. C’est donc dans une atmosphère héritée des Universal Monsters que s’inscrit The Whisperer in Darkness. Matt Foyer entre dans la peau d’Albert Wilmarth, professeur de folklore à l’université Miskatonic, parti enquêter sur les légendes des étranges créatures qui habiteraient les montagnes les plus reculées de la Nouvelle Angleterre. Ses investigations le poussent d’abord à entamer une relation épistolaire avec Henry Akeley (Barry Lynch), un autochtone harcelé par les monstres dans sa maison isolée, puis à se rendre lui-même sur place. Ce qu’il va découvrir va sérieusement mettre à mal sa santé mentale…
Attack of the Crab Monsters
Même si le pseudo-orchestre symphonique qui agrémente sa bande originale fait un peu fausse note, The Whisperer in Darkness joue avec beaucoup de talent la carte de l’imitation des codes du cinéma d’époque, notamment via sa photographie achrome très atmosphérique et sa mise en scène ample masquant l’étroitesse de son budget (estimé à environ 350 000 dollars). Le scénario de Sean Branney et Andrew Leman choisit d’enrichir le matériau initial en ajoutant plusieurs séquences, notamment une joute radiophonique entre le héros et l’un de ses plus farouches opposants, et surtout un climax en plein ciel extrêmement ambitieux au cours duquel les monstres (créations biomécaniques surprenantes sollicitant tour à tour des marionnettes, de la stop-motion et des images de synthèse) attaquent un avion au-dessus des montagnes nocturnes. Sans doute le rythme du film aurait-il gagné à être resserré et le recours à certains artifices narratifs (notamment la voix off peu convaincante de Matt Foyer) aurait-il pu être évité. C’est notamment le cas lorsque le mystérieux Ashley chuchote de terribles vérités à l’oreille de notre protagoniste. Au lieu de laisser travailler l’imagination du spectateur, le narrateur se sent obligé de surligner les choses en déclarant « Il était épouvantable d’entendre les cauchemars les plus répugnants de la mythologie secrète dévoilés dans des termes aussi concrets ». Or ce qui marche en littérature nécessite généralement d’être retranscrit en termes cinématographiques pour en conserver l’impact. Mais ces réserves n’empêchent pas The Whisperer in Darkness d’être une très honorable réussite, surtout si l’on tient compte des faibles moyens à la disposition de cette production indépendante portée à bout de bras par des passionnés bouillonnant d’enthousiasme.
© Gilles Penso
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