

Le premier long-métrage de Brad Bird est un chef d’œuvre de SF contant dans l’Amérique des années 50 l’amitié entre un jeune garçon et un robot…
THE IRON GIANT
1999 – USA
Réalisé par Brad Bird
Avec les voix de Eli Marienthal, Harry Connick Jr., Jennifer Aniston, Vin Diesel, James Gammon, Cloris Leachman, Christopher McDonald, John Mahoney
THEMA ROBOTS
À la fin des années 90, un vent d’audace souffle sur les studios Warner. Tandis que Disney domine le marché avec ses comédies musicales animées, un projet radicalement différent voit le jour : Le Géant de fer. À sa tête, Brad Bird, un ancien de chez Mickey désireux de faire bouger les lignes, après être passé par Les Simpsons où il aiguise sa narration et son sens du rythme. L’idée vient du roman The Iron Man, écrit par le poète Ted Hughes à l’attention de ses enfants. Embauché par Warner qui en a acquis les droits d’adaptation, Brad Bird propose de transposer l’histoire dans l’Amérique paranoïaque des années 50, au beau milieu de la guerre froide. Il injecte dans le scénario une vision personnelle, plus dramatique, en supprimant les chansons prévues initialement. Pas question pour lui de faire du Géant de fer une comédie musicale. Le film bénéficie d’une liberté créative rare pour un film de studio. Affichée sur les murs pendant la production, la question « Et si une arme avait une âme… et refusait de tuer ? » finit par devenir le mantra de tous les artistes à l’œuvre sur le film, reflétant la volonté de l’équipe de donner une dimension humaine au robot vedette. Loin des standards du genre, Le Géant de fer se dessine alors comme un OVNI. Ni conte musical, ni comédie familiale, il s’agira d’une fable pacifiste portée par une mise en scène d’une rare maturité.


Rockwell, Maine, 1957. Une nuit, un objet mystérieux tombe du ciel et s’écrase dans la mer. Le jeune Hogarth Hughes, rêveur invétéré et amateur de science-fiction, finit par le retrouver. C’est un robot géant, de plusieurs mètres de haut, aux yeux expressifs et à la curiosité d’enfant. Amnésique, pacifique et affamé de ferraille, le colosse devient l’ami improbable du garçon, qui s’efforce de le garder caché du monde. Avec l’aide de Dean, un ferrailleur marginal au look de beatnik, Hogarth installe le robot dans une décharge, où il peut s’alimenter sans alerter les autorités. Mais un agent du gouvernement, Kent Mansley, débarque en ville, bien décidé à enquêter sur les phénomènes étranges rapportés par les pêcheurs. Il flaire le mensonge du garçon et s’installe même chez les Hughes pour mieux le surveiller. À mesure que leur amitié se renforce, Hogarth découvre les capacités extraordinaires du géant… mais aussi ses zones d’ombre. Lorsqu’il est menacé, le robot semble activer un mode défensif redoutable, révélant une technologie de guerre enfouie. Qui est-il vraiment ? Une arme ? Un être pensant capable de choisir sa voie ?
« Et si une arme avait une âme ? »
À sa sortie en 1999, Le Géant de fer passe presque inaperçu. Et pourtant, vingt-cinq ans plus tard, il est devenu culte, considéré par beaucoup comme l’un des plus beaux films d’animation de tous les temps. Porté par une mise en scène d’une étonnante sobriété, le premier long-métrage de Brad Bird touche par ce qu’il évite : pas d’humour forcé, pas de clins d’œil appuyés, pas de morale assénée. À la place, une élégance discrète et une émotion à fleur de peau. Le design du robot, œuvre du talentueux Joe Johnston — maître d’œuvre de plusieurs concepts visuels de la première trilogie Star Wars et réalisateur de Rocketeer — est un modèle de lisibilité graphique. Son apparente simplicité, avec ses formes géométriques rétro et ses yeux lumineux, cache une expressivité bouleversante. Le géant n’a ni bouche ni sourcils, et pourtant il « joue », à la manière d’un acteur silencieux du muet. La musique de Michael Kamen accompagne ce ballet d’acier avec une douceur inattendue. Le compositeur livre ici une œuvre ample, mélodique, lyrique, qui épouse les émotions du récit. Enfin, difficile de ne pas saluer la finesse de l’écriture. Les personnages secondaires — notamment Dean, l’artiste outsider et Annie, mère courage — sont dessinés avec tendresse, tandis que le regard porté sur l’Amérique des années 50 évite la caricature. Le Géant de fer parle de choix, de peur, de sacrifice… mais aussi, et surtout, d’humanité. Un chef-d’œuvre discret qui continue de grandir avec le temps.
© Gilles Penso
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