

Boris Karloff incarne un super-vilain asiatique exubérant tiré des écrits de Sax Rohmer dans ce film d’aventures fantastiques et rocambolesques…
THE MASK OF FU MANCHU
1932 – USA
Réalisé par Charles Brabin et Charles Vidor
Avec Boris Karloff, Charles Starrett, Lewis Stone, Myrna Loy, Karen Morley, Jean Hersholt, Lawrence Grant, David Torrence, Everett Brown, Steve Clemente
THEMA SUPER-VILAINS
Le Masque d’or est l’une des adaptations les plus fameuses de l’univers imaginé par Sax Rohmer, pionnier du roman pulp à succès. Tiré des récits du super-vilain que l’écrivain commença à faire publier à partir de 1912, le film s’inscrit dans un imaginaire colonial typique du cinéma d’aventure hollywoodien de l’époque. Entamé par Charles Vidor, qui se fera remercier après quelques jours de tournage seulement, le film est finalement mis en scène par Charles Brabin. Tout commence dans le désert de Gobi, où Sir Lionel Barton (Lawrence Grant), envoyé par le gouvernement britannique, est chargé de retrouver la tombe de Gengis Khan. Il doit devancer le redoutable Dr Fu Manchu (Boris Karloff), bien décidé à s’emparer de deux reliques légendaires : le masque d’or et l’épée du grand conquérant. Ces objets sont censés conférer à leur porteur un pouvoir sans limite. « Si Fu Manchu vient à poser ce masque devant ses yeux maléfiques et à saisir le cimeterre de ses mains décharnées et cruelles, l’Asie entière se soulèvera » prophétise sinistrement Sir Nayland Smith (Lewis Stone). Mais l’expédition tourne court et Barton est fait prisonnier. Sa fille Sheila (Karen Morley), bouleversée, décide de rejoindre l’équipe de secours, accompagnée de son fiancé Terry Granville (Charles Starrett).


L’apparition de Fu Manchu dans son antre souterrain reste l’un des moments les plus saisissants du film. On le découvre manipulant une fiole vaporeuse, son visage déformé reflété dans un miroir convexe qui accentue son aura inquiétante. Sous son allure de despote mystique, il dévoile un bagage universitaire impressionnant. « Je suis docteur en philosophie d’Édimbourg, docteur en droit de Christ’s College, docteur en médecine de Harvard », énonce-t-il non sans fierté. « Par politesse, mes amis m’appellent docteur. » Mais derrière ces titres honorifiques, il dissimule une soif de domination absolue. Il offre ainsi à Barton argent, pouvoir… et même sa propre fille (Myrna Loy) en échange de la localisation de la tombe. Sa cour reflète sa mégalomanie : un capharnaüm de tentures orientales, statues grotesques et machines électriques, éclairé par une lumière expressionniste. Les costumes sont tout aussi extravagants. Sa fille arbore une robe opulente, tandis que Fu Manchu lui-même est métamorphosé grâce à un maquillage de Cecil Holland, vétéran des studios MGM. Lorsque Terry découvre que l’épée tant convoitée est une contrefaçon, il utilise une machine à arcs électriques (conçue par Ken Strickfaden, déjà créateur du laboratoire de Frankenstein) pour la désintégrer.
« Sale monstre jaune ! »
Le laboratoire de Fu Manchu se transforme en théâtre du grotesque, foisonnant de créatures en bocaux, d’instruments inquiétants et de fioles mystérieuses. C’est là qu’il prépare son arme ultime, un sérum de soumission destiné à Terry. « Ce sérum, distillé à partir de sang de dragon, de mon propre sang, des organes de plusieurs reptiles et mélangé à l’infusion magique de sept herbes sacrées va temporairement vous transformer en l’instrument vivant de ma volonté », explique le super-vilain. Le film n’est d’ailleurs pas avares en pièges et en tortures tous plus exubérants les uns que les autres : la « cloche du sommeil », suspendue au-dessus d’un captif, qui sonne sans relâche, l’empêchant de dormir, de boire ou de penser clairement ; l’accrochage à un balancier au-dessus d’une fosse infestée de crocodiles, déclenchant une chute lorsqu’un sablier s’écoulera entièrement ; deux murs hérissés de pointes qui avançant inexorablement… Le film bascule dans le fantastique pur lorsqu’une statue grimaçante s’anime soudain pour tendre l’épée de Gengis Khan à Fu Manchu. Au-delà de l’imaginaire pulp, le film affiche une xénophobie frontale assez représentative de son époque. Les Asiatiques y sont systématiquement dépeints comme fourbes, cruels et inhumains. « Ce n’est pas un chinetoque qui va m’arrêter », clame joyeusement l’un des protagonistes. « Comprendrons-nous un jour les races orientales ? » s’interroge un autre. Sans compter Von Berg qui traite Fu Manchu de « sale monstre jaune » sans détour. Pourtant, ce sont les personnages asiatiques qui séduisent le plus. Plus charismatiques que leurs adversaires occidentaux, Fu Manchu et sa fille dominent l’écran. Et la diabolique héritière a indiscutablement plus d’attrait que la fiancée fade et convenue du jeune Terry. Trois décennies plus tard, Christopher Lee prendra le relais de Karloff pour une nouvelle série de films consacrés au vil Fu Manchu.
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article