

L’inventeur excentrique et son chien surdoué se retrouvent confrontés à des gnomes robots contrôlés par un de leur anciens ennemis…
WALLACE AND GROMIT : VENGEANCE MOST FOWL
2024 – GB
Réalisé par Nick Park et Merlin Crossingham
Avec les voix de Ben Whitehead, Peter Kay, Lauren Patel, Reece Shearsmith, Diane Morgan, Adjoa Andoh, Muzz Khan, Lenny Henry, Victoria Elliott
THEMA ROBOTS I REPTILES ET VOLATILES
Si jusqu’alors Wallace et Gromit n’avaient eu droit qu’à un seul long-métrage, c’est en grande partie parce que le réalisateur Nick Park avait éprouvé quelques difficultés à collaborer avec un studio tel que Dreamworks. Les innombrables mémos des producteurs et les incessantes demandes de modifications pour que le film puisse plaire au jeune public américain avaient eu raison de sa patience. Désireux de retrouver sa liberté et son indépendance, Park avait concédé à retrouver ses personnages les plus célèbres, à condition que ce soit dans le cadre d’un court-métrage, comme ce fut le cas pour leurs premières aventures. D’où la mise en chantier de Wallace et Gromit : un sacré pétrin en 2008. Dreamworks se retira de toutes façons de l’équation après les mauvais scores au box-office de l’unique long-métrage en images de synthèse de Aardman, Souris City. En 2018, Park développe l’idée d’une nouvelle histoire, qu’il conçoit à nouveau comme un film de trente minutes – manifestement son format préféré. Mais au fur et à mesure de l’écriture et de son développement par l’auteur Mark Burton, il devient clair que le récit ne tient pas sur une durée aussi courte. Wallace et Gromit : la palme de la vengeance devient donc un long-métrage, conçu comme une suite directe du cultissime Wallace et Gromit : un mauvais pantalon. Le film est finalement coproduit par Netflix, comme le fut Chicken Run : la menace nuggets.


Pour soulager Gromit dans ses tâches quotidiennes, en particulier le jardinage, Wallace met au point un nain de jardin robotisé capable de tout faire. Mais cette aide high-tech, bien que très efficace, irrite profondément Gromit : trop brusque, sans aucune finesse, la machine sabote son travail méticuleux. En revanche, les voisins sont conquis, et même la télévision locale s’emballe pour cette invention. Depuis la cellule du zoo où il croupit après ses méfaits passés, le pingouin machiavélique Feathers McGraw concocte alors un plan de vengeance. À distance, il parvient à reprogrammer le robot-jardinier, le transformant en redoutable créature maléfique… Tel est le point de départ prometteur de Wallace et Gromit : la palme de la vengeance, qui aura nécessité une fois de plus un impressionnant effort collectif. Au pic de la production, 35 animateurs travaillent simultanément sur autant de plateaux miniatures pour obtenir entre une et cinq secondes utiles par jour. Le fruit de cet énorme travail de patience ? Environ une minute d’animation par semaine. Au-delà de cette véritable épreuve de patience et d’endurance, Nick Park doit composer avec le deuil de Peter Sallis, interprète vocal original de Wallace, ici remplacé avec talent par Ben Whitehead.
Happy Feet
Ultra inventif, Wallace et Gromit : la palme de la vengeance se hisse au niveau des meilleures réussites d’Aardman dont il conserve les qualités premières, notamment un sens du tempo ébouriffant et une propension gourmande à saturer chaque plan de gags et d’idées visuelles inattendues. Malgré ses qualités, Souris City démontrait en creux que seule la stop-motion à l’ancienne pouvait pleinement rendre justice à l’univers de Nick Park et de sa troupe. C’est toujours aussi vrai, même si les effets numériques permettent de prolonger le délire sans jamais trahir la nature « tactile » de l’animation. D’autant que Gromit et Feathers débordent d’expressivité malgré leur mutisme et leur design facial minimaliste. Toujours férus de références cinéphiliques, les joyeux drilles d’Aardman clignent de l’œil vers Les Nerfs à vif, Les Évadés, James Bond, 20 000 lieues sous les mers et Terminator, tout en concoctant une poursuite finale complètement dingue, digne des excès de la saga Mission impossible. Derrière toute cette folie, il n’est pas difficile de déceler une dénonciation de notre aliénation aux machines et à l’intelligence artificielle, et donc un signal d’alarme lié aux dangers d’une perte d’autonomie et de créativité. Voir ce beau jardin fleuri et multicolore, aménagé avec soin par Gromit, se transformer en espace vert géométrique et uniformisé, lorsqu’il est confié aux bons soins du robot, en dit long à ce sujet. « C’est comme s’il savait avant nous de quoi nous avons besoin » s’exclame avec enthousiasme Wallace, aveugle aux risques que Gromit a détectés très tôt. Bref, c’est une nouvelle réussite totale à mettre au crédit des petits génies d’Aardman, dont le grain de folie est miraculeusement resté intact.
© Gilles Penso
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