BRISBY ET LE SECRET DE NIMH (1982)

Pour son premier long-métrage, Don Bluth, transfuge du studio Disney, se lance dans une histoire sombre et mystérieuse…

THE SECRET OF NIMH

 

1982 – USA

 

Réalisé par Don Bluth

 

Avec les voix de Elizabeth Hartman, Hermione Baddeley, Dom DeLuise, Derek Jacobi, Arthur Malet, Paul Shenar, Peter Strauss, Shannen Doherty, Jodi Hicks

 

THEMA MAMMIFÈRES

En 1979, trois animateurs claquent la porte des studios Disney pour reprendre leur liberté artistique. À leur tête, Don Bluth, qui supervisa notamment l’animation de Peter et Elliott le dragon, démissionne avec Gary Goldman et John Pomeroy, excédés par une production qu’ils jugent devenue routinière et aseptisée. Leur rêve est de retrouver la flamme créatrice des débuts et de ressusciter la grandeur des classiques d’antan. Dans le garage de Bluth, les trois compères créent ainsi leur propre studio et se lancent dans une folle aventure. Brisby et le secret de NIMH est leur premier long-métrage, un projet d’animation aussi ambitieux que risqué, inspiré par le roman Mrs. Frisby and the Rats of NIMH de Robert C. O’Brien, premier tome de « La trilogie des Rats de NIMH » paru en 1971. Fuyant les modèles imposés par la réalité économique du moment, ils choisissent des décors peints à la main, une animation traditionnelle minutieuse, mais aussi un traitement sombre. La production s’enclenche dans une ambiance de start-up artisanale où les artistes dorment parfois sur place et se dégourdissent les muscles dans une salle de sport improvisée. Le budget est serré et les moyens très limités mais la motivation perdure. A force de persévérance, Bluth et sa bande finissent par livrer un véritable petit miracle, à contre-courant des tendances de l’époque.

L’héroïne du film, Madame Brisby, est une petite souris veuve qui vit avec ses quatre enfants dans un champ paisible. Mais l’harmonie est menacée lorsque le fermier Fitzgibbons s’apprête à labourer le terrain. Or le petit Timothy, malade, ne peut être déplacé sans danger. Déterminée à sauver sa famille, Brisby cherche de l’aide dans la ferme voisine, croise un corbeau maladroit nommé Jeremy, puis un grand hibou qui la renvoie vers les mystérieux rats du rosier, une société secrète nichée sous une ronce. Là, Brisby découvre un monde souterrain, raffiné et étonnamment évolué. Ces rats, anciens cobayes du laboratoire de NIMH, ont acquis intelligence et longévité grâce à des expériences scientifiques. Leur chef charismatique, Nicodemus, explique à Brisby le passé de son défunt mari, Jonathan, qui les avait aidés à fuir le centre de recherche. Les rats, désormais tiraillés entre leur passé d’opprimés et leur désir d’indépendance, préparent leur propre exode pour ne plus dépendre des hommes. Mais tout le monde ne voit pas ce départ d’un bon œil…

Souris City

Dès son premier long-métrage, le futur réalisateur du Petit dinosaure frappe très fort. Loin de la mièvrerie souvent associée à l’animation pour enfants, Brisby se distingue par son ton grave, ses décors volontairement non glamour et son traitement narratif adulte. La noirceur du propos – les expériences scientifiques pratiquées sur les animaux, la gestion du deuil, les complots politiques – s’allie à une esthétique quasiment gothique. La partition de Jerry Goldsmith, somptueuse comme souvent, renforce la puissance émotionnelle du récit en annonçant ses travaux ultérieurs sur Legend. Elle soutient les scènes d’action comme les instants intimes, participant de manière cruciale à l’atmosphère du film. Certains moments marquent durablement les mémoires, comme la vision psychédélique du passé des rats, le duel final, la vision cauchemardesque de la maison sombrant dans le néant boueux, mais surtout le regard résolu de Brisby, prête à tout pour protéger ses enfants. Le studio MGM prend en charge la distribution du film mais en saborde partiellement l’impact, notamment en limitant drastiquement les dépenses publicitaires. Résultat : Brisby et le Secret de NIMH est un semi-échec commercial aux États-Unis. Pourtant, la presse est dithyrambique, et le film devient culte au fil des années, notamment en Europe. En le découvrant, Steven Spielberg tombe sous le charme et décide d’aider Bluth pour son projet suivant. Tous deux mettront ainsi sur pied le remarquable Fievel et le Nouveau Monde.

 

© Gilles Penso

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