LES QUATRE FANTASTIQUES : PREMIERS PAS (2025)

Le quatuor le plus célèbre de l’histoire des comic books ressurgit sur les écrans dans une aventure rétro-futuriste délicieusement « pulp »…

FANTASTIC FOUR : FIRST STEPS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Matt Shakman

 

Avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss-Bachrach, Ralph Ineson, Julia Garner, Natasha Lyonne, Paul Walter Hauser, Sarah Niles

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les super-héros nés en 1961 sous la plume de Stan Lee et les crayons de Jack Kirby semblaient frappés d’une malédiction : celle de ne jamais réussir leur passage au grand écran. Il y eut d’abord un premier film fauché que produisit Roger Corman en 1994 et qui ne sortit jamais nulle part, puis les deux blockbusters patauds réalisés par Tim Story en 2005 et 2007, suivis d’un long-métrage sans queue ni tête entamé par Josh Trank puis sabordé par la Fox en 2015. La messe était donc dite : Les Quatre Fantastiques étaient les éternels recalés du cinéma, des super-héros excitants sur papier mais irrémédiablement hors-jeu face à une caméra. En guise de lot de consolation, les fans se tournèrent vers Les Indestructibles et sa suite, deux hommages non officiels mais jubilatoires, qui possédaient toutes les qualités cruellement absentes des adaptations officielles. Les choses prennent une tournure nouvelle lorsque Disney rachète la Fox en mars 2019, et donc les droits du légendaire quatuor. La tentation de les intégrer dans le Marvel Cinematic Universe est forte. Mais comment faire cohabiter de manière logique ces quatre pionniers aux immenses pouvoirs avec les aventures des Avengers et de leurs successeurs ? Comment expliquer l’absence des Quatre Fantastiques pendant la lutte contre Thanos ? Et surtout, comment trouver la juste tonalité, celle que ni Roger Corman, ni Tim Story, ni Josh Trank ne parvinrent à saisir ?

Pour répondre à toutes ces questions, l’armada d’auteurs à l’œuvre sur le scénario s’appuie sur deux concepts complémentaires : les mondes parallèles et le rétrofuturisme. Les Quatre Fantastiques : premiers pas se déroule donc dans des années 60 alternatives, une solution idéale pour respecter à la fois la chronologie du reste du MCU et l’esthétique des dessins de Jack Kirby. Le nom de ce monde : Terre 828 (en hommage à Kirby, né en août 1928 – 8/28). Stan Lee aussi a droit à son clin d’œil à travers le nom du vaisseau spatial de nos super-justiciers : Excelsior (la célèbre signature du joyeux moustachu). Dès l’entame du film, le rythme s’emballe sur un tempo qui n’est pas sans évoquer le prologue « patchwork » de Spider-Man New Generation. En quelques minutes nous sont résumés non seulement les origines des super-pouvoirs de Reed, Sue, Ben et Johnny, mais aussi leurs exploits les plus célèbres (directement inspirés de leurs premières aventures dessinées), leurs relations familiales et amicales et leur popularité déclinée à toutes les sauces (notamment dans un cartoon où la Chose ne cesse de crier « ça va chauffer ! »). Bref, c’est un véritable condensé de tout ce que nous voulions voir depuis des décennies, et que le réalisateur Matt Shakman – qui œuvrait jusqu’alors quasi-exclusivement pour la télévision – nous offre sur un plateau d’argent.

Enfin !

Deux enjeux cruciaux et complémentaires se dessinent alors et s’apprêtent à dicter les grandes lignes de l’intrigue du film, l’un sur un plan très intime, l’autre à échelle cosmique. Il s’agit de l’arrivée imminente du bébé de Reed et Sue en même temps que celle du redoutable Galactus, le « dévoreur de planètes » qui s’apprête à ne faire qu’une bouchée du globe et de ses habitants. Or ces deux événements semblent étroitement liés. L’esprit des BD originales est donc plus que jamais convoqué dans la mesure où, comme dans les pages de Lee et Kirby, les problèmes personnels de nos super-héros prennent autant d’importance que la survie du monde. Certains choix artistiques auraient pu se révéler très discutables, comme la mise en scène du robot H.E.R.B.I.E. (une petite machine kitsch qui fut inventée pour la série animée The New Fantastic Four en 1978), la féminisation du Surfer d’argent (le Norrin Radd original étant ici remplacé par Shalla-Bal, qui lui succéda momentanément dans les comics), ou même la sollicitation de Pedro Pascal en tête d’affiche (l’acteur étant tellement surexposé sur les grands et les petits écrans que la lassitude à son égard risquait de s’installer). Mais tout s’articule à merveille, jusqu’à un climax dantesque où le majestueux Galactus nous fait immédiatement oublier le tourbillon numérique disgracieux dont il nous fallait nous contenter dans Les Quatre Fantastiques et le Surfer d’argent. Presque miraculeusement, le film de Shakman trouve le parfait équilibre entre le respect du matériau initial et la multiplication des surprises. Le rythme n’y faiblit jamais, porté par une partition enivrante de Michael Giacchino qui parvient à éviter d’auto-plagier la bande-originale des Indestructibles pour s’aventurer sur un terrain lyrique du plus bel effet. Vivement la suite de ces « premiers pas » !

 

© Gilles Penso

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