

Tom Hiddleston incarne un homme banal dont le destin prend des proportions cosmiques dans cette bouleversante adaptation de Stephen King…
THE LIFE OF CHUCK
2024 – USA
Réalisé par Mike Flanagan
Avec Tom Hiddleston, Jacob Tremblay, Benjamin Pajak, Cody Flanagan, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Mia Sara, Carl Lumbly, Mark Hamill, David Dastmalchian
THEMA CATASTROPHES I MORT I SAGA STEPHEN KING
Mike Flanagan et Stephen King, c’est une affaire qui roule. Après avoir réalisé les très honorables Jessie et Doctor Sleep, qui présentaient déjà chacun de sérieux challenges (un huis-clos minimaliste d’un côté, la suite d’un classique réputé intouchable de l’autre), Flanagan se lance un défi supplémentaire en s’attaquant à l’adaptation de La Vie de Chuck, une nouvelle tirée du recueil Si ça saigne paru en 2020. Structuré en trois actes remontant à rebours la vie d’un homme ordinaire, ce court récit appelle une approche intimiste et émotionnelle, le fantastique s’y installant de manière discrète pour offrir une réflexion méditative sur le temps et la mémoire. Flanagan en écrit le scénario en 2022, sans commande préalable, mû par l’envie de concrétiser une œuvre qu’il souhaite avant tout personnelle. Cette période correspond à la fin de sa collaboration avec la plateforme Netflix, pour laquelle il a réalisé plusieurs séries événementielles comme The Haunting of Hill House, Sermons de minuit ou La Chute de la maison Usher. Le script de Life of Chuck, bouclé entretemps, reste indépendant d’un quelconque studio, et le film n’entrera en production que début 2023 sous la bannière de Intrepid Pictures, la société de Flanagan.


« Chaque vie est un univers ». Cette phrase d’accroche, présente sur les affiches de Life of Chuck, résume à elle seule tout le principe du film. Et nul besoin d’en savoir plus, afin de préserver la surprise qu’offrent cette œuvre singulière, sa trame, ses personnages et ses choix narratifs. C’est une histoire simple, banale, comme il en existe sans doute des millions d’autres. Mais la manière dont Stephen King et Mike Flanagan la racontent fait toute la différence, au point d’en faire soudain le récit le plus important de tout l’univers. Tout commence comme un film catastrophe, au cours duquel le monde se désagrège progressivement, inexorablement, sans espoir. Pourtant, c’est un faux départ. Ou plutôt non. Tout ce qui se passe dans ce premier chapitre est réel, mais pas comme on l’imaginerait. En dire plus, ce serait risquer d’en dire trop. Life of Chuck est un choc émotionnel puissant et intense parce qu’il parvient justement à conjuguer le routinier et l’extraordinaire, le quotidien et le fantastique, l’infiniment grand et l’infiniment petit.
« Chaque vie est un univers »
Si Tom Hiddleston nous touche plus que de raison dans le rôle de Chuck, les jeunes acteurs qui l’incarnent à l’âge de l’enfance et de l’adolescence (Jacob Tremblay, Benjamin Pajak et Cody Flanagan) le font tout autant, chacun combinant son jeu et sa prestation à celles des autres pour nous offrir le portrait composite de cet homme au parcours bouleversant. Cette tranche de vie banale prenant une dimension cosmique, l’entourage de Chuck est campé par une brochette d’acteurs que Flanagan choisit à la fois pour l’intensité de leur jeu mais aussi pour l’empreinte qu’ils ont laissée dans l’inconscient collectif. Les grands parents (Mark Hamill et Mia Sara), l’enseignant (Chiwetel Ejiofor), l’infirmière (Karen Gillan), l’entrepreneur de pompes funèbres (Carl Lumbly), la voisine (Heather Langenkamp) nous semblent ainsi étrangement familiers, comme déjà inscrits dans nos propres souvenirs. Les caprices du destin, les choix qui jalonnent l’existence, les joies et les regrets se cristallisent dans une séquence d’une grâce folle – qui fera date, n’en doutons pas – au cours de laquelle le spectateur s’abandonne sans résistance, oubliant tout esprit d’analyse pour laisser l’euphorie le gagner. Ces petits miracles ne sont pas si fréquents sur un écran de cinéma. Loin des clowns monstrueux et des hôtels hantés, Life of Chuck explore ainsi une facette moins connue et beaucoup plus introspective de l’univers de Stephen King, celle où le surnaturel est une affaire de perception. Nous voilà sur un terrain qui évoque plus volontiers Cœurs perdus en Atlantide que les classiques horrifiques tirés de la prose du romancier. En se frottant à cette histoire construite comme un emboîtement de poupées russes, Mike Flanagan signe sans conteste son film le plus abouti et le plus saisissant.
© Gilles Penso
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