OOGA BOOGA (2013)

Possédée par l'esprit d'un jeune homme victime d'un crime raciste, une poupée se lance dans une sanglante vengeance…

OOGA BOOGA

 

2013 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Ciarra Carter, Gregory Niebel, Wade F. Wilson, Chance A. Rearden, Maddox, Patrick Holder, Tom Massmann, Corey MacIntosh, Amber Strauser, Kyle Quesnoy

 

THEMA JOUETS I SAGA CHARLES BAND

Apparu pour la première fois dans Doll Graveyard aux côtés d’autres poupées mortelles, Ooga Booga avait de quoi faire grincer des dents tant il jouait la carte du stéréotype et de la caricature. Un guerrier africain avec un os dans le nez et une lance dans la main – affublé même d’un pétard à la bouche pour son retour furtif dans Evil Bong -, c’était tout de même un peu fort ! Pour contourner le problème tout en réexploitant le personnage, Charles Band a la bonne idée de transcender les clichés. Il décide donc de transformer Ooga Booga en combattant du racisme dans un film entièrement dédié à ses exploits, dont le scénario est confié à Kent Roudebush. « L’affaire Trayvon Martin faisait encore un peu parler d’elle et je m’en suis en quelque sorte servi comme point de départ pour le projet », raconte ce dernier, en se référant à la mort d’un Afro-Américain de 17 ans tué par balle en Floride lors d’une ronde de « surveillance de voisinage ». « Je ne savais même pas si cela fonctionnerait vraiment avec Charles. En tout cas, c’est le scénario dont je suis le plus satisfait. Ce n’est pas comme si c’était mon chef-d’œuvre en matière de critique sociale, mais au moins, c’était quelque chose et l’histoire ne s’effondrait pas sous le poids de sa propre stupidité. » (1) Mais ces belles intentions sont un peu gâchées par les limitations budgétaires et par une poignée d’idées bizarres ajoutées artificiellement au script.

Le film s’ouvre sur l’enregistrement chaotique d’une émission pour enfants mettant en scène Hambo, un clown fermier à nez de cochon déjà aperçu dans Zombie vs. Strippers. Complètement ivre sur le plateau, Hambo est évincé par la production. Devin Campbell (Wade F. Wilson), jeune étudiant fraîchement diplômé de médecine, vient alors lui rendre visite. Désabusé, Hambo annonce qu’il se reconvertit dans la vente de poupées volontairement caricaturales. Parmi celles-ci se trouve Ooga Booga, dont il lui offre un prototype. Peu après, Devin se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, témoin d’un braquage sanglant dans une supérette orchestré par le criminel Skeez (Maddox). Tentant de porter secours à un employé mortellement blessé, il est froidement abattu par l’officier White (Gregory Niebel), un policier raciste convaincu de sa culpabilité. Mais un étrange phénomène se produit alors : le sang de Devin, mêlé à des décharges électriques issues d’une machine défectueuse, insuffle la vie à la poupée Ooga Booga, désormais habitée par l’esprit du jeune homme. Ressuscité sous cette forme, Devin/Ooga s’allie à sa petite amie Donna (Ciarra Carter) pour se venger non seulement de Skeez et de l’officier White, mais aussi du véritable cerveau derrière cette chaîne de violences, le juge corrompu Marks (Stacy Keach).

« C’est Chucky avec une lance ! »

En regardant Ooga Booga, il nous est franchement difficile de comprendre quelles sont les intentions de Charles Band. Souhaitait-il réaliser une métaphore des dérives de la xénophobie sur fond de tension raciale, une comédie déjantée truffée de clins d’œil ou un film d’horreur déviant au parfum de scandale ? Indécis quant à la tonalité de cet objet filmique bizarre, il concocte une œuvre patchwork sans véritable unité, comme s’il avait collé ensemble des séquences appartenant à des longs-métrages différents. Les exactions du flic raciste et arrogant (parfaitement campé par Gregory Niebel) obéissant aux ordres d’un juge détestable (excellent Stacy Keach) se raccordent bien mal avec ce remake rigolard de La Poupée de la terreur dans laquelle Karen Black (dans son dernier rôle à l’écran) se fait à nouveau harceler par une poupée guerrière miniature, comme dans le petit classique de Dan Curtis. Avec au passage quelques répliques référentielles comme « c’est Chucky avec une lance ! » Et que dire des interventions pénibles de Hambo, qui semble échappé d’un film Troma ? Ou de cette séquence carrément embarrassante dans laquelle l’héroïne, après avoir été violée par les trois malfrats, se douche langoureusement tandis que Ooga Booga se masturbe en la regardant ? Ces écarts de route incessants sont d’autant plus regrettables que la marionnette, toujours conçue par Christopher Bergschneider, est animée mécaniquement avec beaucoup plus de soin qu’à l’accoutumée et nous offre quelques moments délectables – comme ce gag à la E.T. dans lequel elle se cache au milieu de peluches pour passer inaperçue. Mais l’ensemble est bien trop incohérent pour convaincre. C’est dommage : il y avait vraiment quelque chose d’intéressant à faire avec ce concept.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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