DRACULA (2025)

Luc Besson retrouve l’acteur principal de Dogman et le transforme en vampire romantique lâché dans le Paris du 19ème siècle…

DRACULA

 

2025 – FRANCE

 

Réalisé par Luc Besson

 

Avec Caleb Landry Jones, Christoph Waltz, Zoë Bleu, Matilda De Angelis, Ewens Abid, Guillaume de Tonquédec, Bertrand-Xavier Corbi, Raphael Luce, Liviu Bora

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES I SAGA LUC BESSON

Très satisfait de sa collaboration avec Caleb Landry Jones sur Dogman, Luc Besson envisage rapidement de lui confier un autre rôle. Le nom de Dracula surgit dans la conversation, et le cinéaste se lance aussitôt dans l’écriture d’un scénario, décidé à se démarquer des innombrables adaptations précédentes en optant pour une approche résolument romantique. « Quand vous lisez le livre, la partie la plus intéressante, c’est cet homme qui attend des siècles et des siècles de revoir sa femme », explique-t-il. « Pour moi, c’est l’histoire d’amour ultime. » (1) En réalité, cet aspect est parfaitement étranger du roman, qui n’aborde jamais le vampire comme un amoureux transi. Le caractère romantique du personnage n’apparaîtra que plus tard, notamment dans les adaptations signées Dan Curtis, John Badham ou Francis Ford Coppola. De toute évidence, l’inspiration du réalisateur est donc plus cinématographique que littéraire, et il n’échappera à personne que la version de Coppola est sa référence majeure. Les silhouettes des belligérants sur fond écarlate en début de métrage, le visage momifié d’un Dracula vieillissant affublé d’une coiffure invraisemblable, son look rajeuni avec grand manteau et haut de forme, la réplique « j’ai traversé tous les océans » sont autant d’emprunts directs au Dracula de 1992. Mais à force de jouer le jeu du mimétisme, Besson s’expose à une comparaison défavorable. Son film peine non seulement à retrouver l’ampleur visuelle de Coppola mais flirte aussi parfois dangereusement avec la parodie, rappelant malgré lui le Dracula mort et heureux de l’être de Mel Brooks.

Le film démarre dans la Roumanie de 1480. Le prince Vlad et son épouse Elisabeta sont fous amoureux, mais il doit partir à la guerre. Lorsqu’il revient du champ de bataille, victorieux et harassé, c’est pour découvrir qu’Elisabeta est tombée dans une embuscade tendue par l’ennemi. L’échauffourée qui s’ensuit s’achève par la mort de sa bien-aimée. Vlad renonce alors à Dieu et devient damné. 400 ans plus tard, à Paris, une jeune femme dont l’acte de naissance indique qu’elle a 130 ans a été internée à l’hôtel Dieu, délirante, hystérique et incontrôlable. L’affaire est délicate, car elle est liée à la famille royale d’Angleterre, mais son comportement et son état sont très préoccupants. Le prêtre dépêché sur place, qui ne porte pas le nom de Van Helsing mais assume les mêmes fonctions, constate qu’il s’agit d’un vampire, et apprend de sa bouche aux canines acérées que son maître est un prince. Ensuite, c’est le récit que nous connaissons tous : le jeune notaire Jonathan Harker rend visite à Dracula dans son château, le comte vampire reconnaît chez la fiancée d’Harker la réincarnation de sa bien-aimée et décide de la retrouver, le prêtre s’oppose à lui… À cette trame maintes fois narrée, Besson décide d’ajouter plein de petites choses. Certaines sont intéressantes, d’autres, disons, bizarres.

Le vampire de ces dames

Esthétiquement, le Dracula de Besson tient la route, c’est indiscutable. La somptueuse photographie de Colin Wandersman, les décors grandioses de Hugues Tissandier, les effets spéciaux cosmétiques de Jean-Christophe Spadaccini et Denis Gastou, l’entêtant « love theme » composé par Danny Elfman sont autant d’atouts plastiques qui profitent au film, couplés à l’idée attrayante de transporter l’intrigue dans le Paris de 1880, où se préparent le centenaire de la Révolution française et l’Exposition universelle. Mais la finesse n’est clairement pas au rendez-vous : des serviteurs gargouilles en images de synthèse qu’on croirait échappées d’un Disney (quelque part à mi-chemin entre Le Bossu de Notre Dame et La Belle et la Bête), un flash-back involontairement drôle où Vlad essaie désespérément de mourir en se défenestrant à répétition sans résultat probant, une chorégraphie anachronique provoquée par un parfum envoûtant… Et que dire de cette vision excessivement naïve du couple amoureux qui s’adonne hilare à des batailles d’oreillers, se recouvre de nourriture et s’envoie des pétales de roses ? Le plus troublant, finalement, est la projection que Luc Besson lui-même semble opérer sur le personnage de Dracula. Aux yeux de tous, le comte vampire est un prédateur redoutable aux nombreuses victimes. Mais lui se voit comme un grand romantique sans cesse en quête d’amour. Et pour parvenir à ses fins, il n’hésite pas à annihiler les sens des femmes qu’il souhaite séduire en utilisant une drogue olfactive désinhibante. Les autorités, les bien-pensants et les empêcheurs d’aimer en rond s’érigent alors en antagonistes, prêts à tout pour empêcher notre « héros » incompris de connaître la grande passion. La transformation finale du monstre en martyr parachève ce processus de transfert, comme si Besson cherchait à travers lui une forme de réhabilitation intime.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans L’Antre du cinéphile en mars 2024

 

© Gilles Penso

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