THE WASHING MACHINE (1993)

Trois jeunes femmes qui partagent le même appartement croient voir le cadavre démembré d’un homme dans une machine à laver…

VORTICE MORTALE

 

1993 – ITALIE / FRANCE / HONGRIE

 

Réalisé par Ruggero Deodato

 

Avec Philippe Caroit, Ilaria Borrelli, Katarzyna Figura, Barbara Ricci, Laurence Regnier, Laszlo Borbély, Claudia Pozzi, Yorgo Voyagis, Vilmos Kolba

 

THEMA TUEURS

Soutenu par une musique langoureuse de Claudio Simonetti, The Washing Machine se déroule dans une luxueuse demeure où trois sœurs partagent un appartement. L’une d’elle est réveillée en pleine nuit par le chat noir qui cohabite avec elles. Dans un demi-sommeil, elle descend à l’étage inférieur et voit avec surprise que la machine à laver est en train de tourner, tandis que du sang coule autour du hublot. Curieuse, elle ouvre la porte de la machine et y découvre le cadavre ensanglanté d’un homme, dont on ne voit que la tête et la main. Cette vision atroce lui arrache un hurlement. Voilà comment commence The Washing Machine. « Cette histoire est à l’origine une pièce de théâtre expérimentale qui a été montée en Italie avec la même comédienne pour les trois rôles principaux », raconte Ruggero Deodato. « Le princope m’a plu et j’ai voulu en tirer une sorte de giallo mélangeant l’horreur et le sexe. J’ai tourné le film dans de magnifiques décors à Budapest. L’ambiance et les lieux là-bas étaient fantastiques. Financièrement, il était intéressant d’aller tourner en Hongrie à l’époque, et nous en avons tiré parti artistiquement. Le seul véritable inconvénient, quand on tourne dans cette ville, c’est le froid. Les températures peuvent y baisser très vite. » (1)

Cette fraîcheur ne semble pas gêner outre mesure les impudiques comédiennes de ce Wahing Machine dans lequel, comme souvent chez Deodato, le sexe et la mort s’entremêlent étroitement. Après que Vida Kolba (Katarzyna Figura), ait déclaré à la police avoir trouvé le cadavre de son amant Youri démembré dans la machine à laver, l’inspecteur Alexander Stacev (Philippe Caroit) se rend sur place pour constater qu’il n’y a aucune trace du corps. S’ensuit une enquête troublante dans l’appartement des trois colocataires qui livrent chacune une version différente de ce qu’il s’est passé. Les contradictions s’accumulent, les souvenirs divergent, et le doute s’installe. S’agit-il d’un crime réel ou d’une hallucination collective ? Le film adopte alors une construction éclatée, répétant les mêmes événements sous différents points de vue. En s’appuyant sur un principe calqué sur Rashomon, chaque sœur réinvente la scène du crime en la modelant selon ses désirs, ses rancunes ou ses fantasmes. Malheureusement, là où Kurosawa jouait de la subjectivité pour interroger la nature humaine, The Washing Machine s’égare dans un labyrinthe de récits mal agencés, confus, et souvent plus ennuyeux que déroutants.

La grande lessive

Dans le rôle du policier pris au piège du désir, lointain émule du Michael Douglas de Basic Instinct, Philippe Caroit, peine à incarner la fascination morbide que son personnage est supposé éprouver. Sa performance trop sobre, presque absente, échoue à rendre crédible la spirale psychologique dans laquelle il est censé sombrer. Caroit nous paraît figé, parfois désintéressé, face à des partenaires qui ne ménagent pourtant pas leurs effets. Car le cœur du film réside dans sa dimension charnelle, souvent gratuite, toujours omniprésente. Le long-métrage est d’ailleurs un véritable festival de lingerie fine, de dessous sexy et de tenues fétichistes. L’esthétique du film, peu avare en filtres bleutés, évoque celle des téléfilms érotiques bourgeois alors très en vogue. Une sous-intrigue centrée sur un trafic de drogue vient encore complexifier inutilement un scénario déjà volontairement flou. Hormis le fameux démembrement dans la machine à laver – seul véritable éclat gore du film – la violence reste étonnamment contenue. Ce manque d’audace contraste avec la réputation sulfureuse de Deodato, connu pour son goût du choc frontal. Ici, il semble bien plus préoccupé par le pouvoir de séduction de ses héroïnes que par l’efficacité dramatique de son intrigue policière. Bref, voilà un pseudo-giallo mollasson, davantage destiné aux amateurs d’érotisme que de thrillers ou de films d’horreur, une parenthèse très facultative dans la carrière de son réalisateur.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

 

© Gilles Penso

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