MONDO CANNIBALE (1980)

Jess Franco se lance sans beaucoup de conviction dans la mode des films d’horreur exotiques à base de tribus anthropophages…

LA DEA CANNIBALE

 

1980 – ITALIE / ESPAGNE / FRANCE

 

Réalisé par Jess Franco

 

Avec Al Cliver, Sabrina Siani, Jérôme Foulon, Lina Romay, Shirley Knight, Anouchka, Antonio Mayans, Olivier Mathot, Jess Franco, Raymond Hardy

 

THEMA CANNIBALES

En 1980, Jess Franco se laisse tenter par la vogue des films de cannibales, lancée par les œuvres sulfureuses de Ruggero Deodato (Le Dernier monde cannibale) et Umberto Lenzi (La Secte des cannibales), et tourne simultanément deux films sur le thème : Chasseur de l’enfer et Mondo cannibale. Sortis coup sur coup fin 1980, tous deux donnent la vedette à l’acteur Al Cliver et utilisent les mêmes décors. Habitué aux noms d’emprunt, Jess Franco signe Mondo Cannibale sous le pseudonyme de J. Franco Prosperi, clin d’œil trompeur à Francesco Prosperi, le réalisateur de Mondo Cane, afin d’appâter le public tout en gardant ses distances avec un genre qu’il méprise. Car rétrospectivement, Franco regrettera amèrement de s’être lancé dans une telle aventure, pas du tout conforme à ses goûts personnels. « Je trouve les films de cannibales dégoûtants », avouera-t-il plus tard. « En comparaison, les miens ressemblent à du Walt Disney ! J’ai fait ces deux films de cannibales uniquement pour l’argent. Franchement, je ne comprends pas pourquoi quelqu’un voudrait voir ça ! » (1) Pas très tendre avec Sabrina Siari, rôle féminin principal de Mondo cannibale, il la qualifiera de « la pire actrice avec laquelle j’ai jamais tourné, sa seule véritable qualité étant son adorable postérieur ! » (2). Toujours très classe, l’ami Jess Franco…

Al Cliver incarne ici le docteur Jeremy Taylor, spécialisé dans les maladies tropicales, parti en mission en Amazonie jusqu’à Malabi avec sa femme Elizabeth et sa fille Lena. Soudain, son bateau est attaqué par les Gaevis, des indigènes anthropophages qui dévorent vivante son épouse et le font prisonnier. La petite fille parvient à se cacher à l’intérieur du bateau, mais le chef de la tribu cannibale et son fils la découvrent plus tard évanouie au bord d’une rivière. Ils l’emmènent aussitôt au village, où elle est vénérée comme la « déesse blanche ». Après avoir subi une amputation du bras, Jeremy fuit la tribu sauvage et, secouru, parvient à retourner à New York. Son rétablissement, tant physique que psychologique, est encore lent. La présence d’Ana, médecin dévoué qui s’éprend de lui, est déterminante. Mais Jeremy est obsédé par l’idée de retrouver sa fille, qu’il croit voir partout, y compris dans les vitrines des magasins. Ainsi, au bout de dix ans, il parvient à organiser une nouvelle expédition au pays des cannibales, financée par un milliardaire amateur d’aventure, Charles Fenton, et sa compagne Barbara Shelton.

La déesse blanche

On comprend aisément les réticences de Jess Franco vis-à-vis de l’actrice Sabrina Siani, terriblement inexpressive malgré une beauté indiscutable. Car en grandissant, la petite Lena s’est muée en jolie sauvageonne en peaux de bête aux allures de Sheena ou de Tarzanne, promise désormais au chef de la tribu qui l’a recueillie. Hélas, la fadeur de la jeune comédienne entrave singulièrement l’aura de celle que tous adulent pourtant comme la puissante « déesse blanche ». Les indigènes eux-mêmes, maquillés à la va-vite, s’adonnent à des danses tribales sans trop croire à ce qu’ils font. Il n’est pas difficile de constater que les figurants sont complètement à côté de la plaque, voire s’amusent en sautillant et en souriant face à la caméra, là où ils sont censés nous inquiéter. La tête visiblement ailleurs, Franco filme les « festins » des cannibales n’importe comment, au cours de séquences interminables constituées de gros plans flous, de bruits de succion et de chants tribaux. Le réalisateur et son chef opérateur tirent parti comme ils peuvent de la photogénie des extérieurs naturels, en y insérant des stock-shots de crocodiles et de serpents à sonnettes, tandis que quelques cadavres sanguinolents et quelques membres mutilés occupent parfois l’écran pour sacrifier aux canons du genre. Rien de bien palpitant, en somme. Mais Mondo cannibale aura au moins le bon goût d’éviter les massacres d’animaux devenus souvent passages obligatoires des films de cet acabit.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview présente sur le bonus de Blue Underground en novembre 2007.

 

© Gilles Penso

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