DUMBO (1941)

L’histoire simple et poétique d’un éléphanteau volant aux oreilles surdimensionnées, gorgée de séquences drôles, tristes et psychédéliques…

DUMBO

 

1941 – USA

 

Réalisé par Ben Sharpsteen

 

Avec les voix de Stan Freberg, Edward Brophy, Verna Felton, Herman Bing, Billy Bletcher, Cliff Edwards, Sterling Holloway, Jack Mercer, Sarah Selby

 

THEMA CONTES I MAMMIFÈRES

Après les ambitions démesurées – et les échecs financiers – de Fantasia et Pinocchio, les studios Disney sont en fâcheuse posture. L’Europe et l’Asie sont en guerre, les recettes chutent, et Walt Disney doit revoir ses priorités. Il faut produire vite, bien, et surtout : pas cher. C’est dans ce contexte tendu qu’émerge Dumbo, petit éléphanteau improbable destiné à sauver un empire vacillant. Disney flaire le potentiel immédiat de cette fable simple et émouvante, loin des récits à tiroirs des longs-métrages précédents. Contrairement aux habitudes, il confie l’élaboration du scénario à un duo restreint : Dick Huemer et Joe Grant. Pas de brainstorming général cette fois, juste deux scénaristes qui déposent chaque matin un nouveau bout d’histoire sur le bureau de Walt. L’éléphanteau à grandes oreilles séduit, et le projet prend de l’ampleur. D’abord envisagé comme un court-métrage, Dumbo devient rapidement un film à part entière. Mais la consigne reste ferme : pas de folie budgétaire. Les décors seront simples, les personnages stylisés, et l’animation économique. La peinture à l’eau remplace les encres plus coûteuses, ce qui donnera au film cette texture visuelle si particulière – et une fragilité qui explique aujourd’hui la rareté de ses cellulos originaux. Ce « retour à l’essentiel » libère paradoxalement les artistes. Bill Tytla, animateur vedette responsable du démon de Fantasia ou du Stromboli de Pinocchio, livre ici l’un de ses travaux les plus intimes et les plus bouleversants.

L’histoire de Dumbo tient en quelques lignes, et c’est là toute sa force. Dans un cirque ambulant qui sillonne les États-Unis à bord d’un train au caractère bien trempé (Casey Junior, le « train-chanteur »), une cigogne facétieuse livre un bébé éléphant à Mme Jumbo. Mais surprise : le petit pachyderme a des oreilles gigantesques. Très vite moqué et rejeté par les autres animaux du cirque, surnommé « Dumbo » par les commères du chapiteau, l’éléphanteau devient la cible des railleries. Sa mère, outrée par tant de cruauté, pique une crise de colère violente et se retrouve enfermée, considérée comme dangereuse. Dumbo, lui, est bientôt relégué au rang d’attraction clownesque : il doit jouer les pitres en tombant d’un immeuble en flammes, sous les rires du public. Mais il trouve un ami inattendu : Timothée, une souris au grand cœur, persuadée que Dumbo a un potentiel caché. Ensemble, ils affrontent les épreuves du cirque et croisent une bande de corbeaux excentriques qui finiront par lui révéler son vrai pouvoir : Dumbo peut voler grâce à ses oreilles surdimensionnées…

Éléfantasy

Dumbo ne paie pas de mine. Moins prestigieux que Pinocchio, moins révolutionnaire que Fantasia, il aurait pu n’être qu’une parenthèse. Mais c’est précisément dans cette économie que le film trouve sa liberté. Son style graphique, simple et stylisé, va droit au but. L’émotion y est brute, presque sèche. Il suffit de voir les larmes silencieuses de Dumbo, isolé dans l’ombre d’une cellule, pour comprendre pourquoi Bill Tytla est considéré comme un maître de l’animation. Certaines séquences sont à jamais gravées dans les mémoires. Celle de « Baby Mine », où Dumbo retrouve brièvement sa mère à travers les barreaux, est un concentré de tendresse déchirante. À l’opposé, le délire visuel des « Éléphants roses » immerge le spectateur dans un cauchemar surréaliste, un trip psychédélique avant l’heure. Tout ça dans un film de 64 minutes à peine. Dumbo reste une parabole universelle sur la différence, le rejet, l’acceptation de soi. Fabriqué en seulement un an et demi pour moins d’un million de dollars, Dumbo rapporte plus que ses deux prédécesseurs réunis. Le public l’adopte, la critique s’emballe. Et Walt, soulagé, retrouve le sourire. Il répétera souvent par la suite que de tous les films produits par son studio, c’est celui qu’il préfère.

 

© Gilles Penso

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