

Le studio Disney réinvente la célèbre fable déjà portée aux nues par Jean Cocteau et signe l’un de ses plus grands films d’animation…
BEAUTY AND THE BEAST
1991 – USA
Réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise
Avec les voix de Paige O’Hara, Robby Benson, Jesse Corti, Rex Everhart, Angela Lansbury, Jerry Orbach, Bradley Pierce, David Ogden Stiers, Richard White
THEMA CONTES
Après le succès de La Petite Sirène, Disney entre dans une phase de renaissance ambitieuse. Parmi les projets exhumés des cartons, La Belle et la Bête refait surface. Ce conte français du XVIIIe siècle avait déjà tenté Walt Disney dès les années 30, mais l’adaptation s’était révélée plus complexe que prévu. Impressionné par la version de Jean Cocteau et refroidi par la réception mitigée de La Belle au bois dormant, Disney avait finalement renoncé. Il faudra attendre 1987 pour que le projet reparte.Mais la première version est jugée trop sombre, trop fidèle au matériau d’origine. Jeffrey Katzenberg, figure clé du renouveau Disney, décide de tout reprendre à zéro. La révolution est en marche : pour la première fois, l’écriture du film passe avant l’animation. La scénariste Linda Woolverton est donc missionnée pour construire une narration solide avant même de songer aux dessins. Le film s’oriente alors vers la comédie musicale, sous la houlette du duo Alan Menken et Howard Ashman, déjà auréolé du succès de La Petite Sirène. Ce choix s’avère déterminant : La Belle et la Bête comptera plus de 25 minutes de chansons, intégrées de manière fluide au récit. Pour enrichir l’univers visuel, les équipes artistiques partent en repérages dans les châteaux de la Loire. Chaque décor, chaque couleur, chaque atmosphère est pensée pour souligner l’évolution des personnages. La création des objets enchantés (le chandelier, la théière, la tasse, l’horloge), idée d’Howard Ashman, apporte une touche de légèreté à cette romance gothique.


Au cœur d’une forêt isolée, un prince égoïste et cruel est transformé en Bête hideuse par une enchanteresse, punition pour son absence de compassion. Seule une preuve d’amour véritable pourra briser le sort avant que le dernier pétale d’une rose magique ne tombe. Non loin de là, Belle, une jeune femme rêveuse, passionnée de livres et d’aventures, étouffe dans son petit village provincial, où elle est courtisée par l’arrogant et vaniteux Gaston. Refusant la vie monotone qu’on lui propose, Belle se voit embarquée dans une quête inattendue lorsque son père, Maurice, inventeur fantasque, se perd dans la forêt et trouve refuge dans le château de la Bête. Prête à tout pour sauver son père, Belle échange sa liberté contre la sienne, devenant prisonnière du mystérieux château. Tandis que la Bête lutte contre sa propre colère et son désespoir, Belle commence à entrevoir la gentillesse tapie sous l’effrayante apparence. Petit à petit, une relation unique se tisse entre eux, faite de maladresses, de découvertes et de gestes tendres… Mais à l’extérieur, Gaston, vexé par le rejet de Belle, fomente un plan pour forcer la jeune femme à l’épouser. Et il est prêt à utiliser tous les moyens possibles — même les plus violents — pour arriver à ses fins…
Histoire éternelle
Au départ, les cinéphiles que nous sommes attendaient cette relecture à la sauce Disney du fameux conte popularisé par Madame Leprince de Beaumont avec perplexité. Comment surpasser la beauté atemporelle du chef d’œuvre de Jean Cocteau, ou même les audaces baroques de la version de Juraj Herz ? Mais face au spectacle offert par le film de Gary Trousdale et Kirk Wise, toutes les réticences se sont effacées en un clin d’œil. Le soin extrême apporté à chaque étape de la fabrication du film se ressent à l’écran : l’équilibre entre humour, émotion et frisson est d’une précision redoutable. Le récit, d’une fluidité exemplaire, alterne avec brio les séquences drôles et les scènes poignantes. Le duo formé par Belle et la Bête fonctionne à merveille, porté par une animation magistrale qui parvient à insuffler aux personnages une palette d’émotions d’une rare finesse. Le génial design hybride de cette Bête mi-buffle mi-lion, œuvre de Glen Keane, y est pour beaucoup. La scène emblématique de la danse dans la grande salle de bal, sublimée par la première utilisation audacieuse d’images de synthèse, reste un moment d’anthologie. Pour couronner le tout, le tandem Menken/Ashman livre une partition mémorable. De « C’est la fête » à « Histoire éternelle », chaque chanson enrichit le récit, participant à l’immersion du spectateur dans ce monde féerique. La présentation du film au New York Film Festival, dans une version inachevée, déclenche un buzz phénoménal. Le bouche-à-oreille propulsera La Belle et la Bête vers une sortie triomphale qui, pour la première fois dans l’histoire du cinéma, permettra à un film d’animation d’être nommé aux Oscars dans la catégorie Meilleur Film.
© Gilles Penso
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