PROJECT SILENCE (2023)

Dans ce mixage coréen entre Cujo et Destination finale, une meute de chiens tueurs s’attaque aux victimes d’un carambolage sur un pont…

TALCHUL : PROJECT SILENCE

2023 – CORÉE DU SUD

Réalisé par Kim Tae-gon

Avec Lee Sun-kyun, Ju Ji-hoon, Kim Hee-won, Moon Sung-keun, Ye Soo-jung, Kim Tae-woo, Park Hee-bon, Park Ju-hyun, Kim Su-an, Ha Do-kwon, Jang Gwang

THEMA MAMMIFÈRES

Après avoir durablement marqué les esprits avec Dernier train pour Busan, le scénariste Park Joo-seok retrouve le cinéma de genre de grande ampleur avec Project Silence, qu’il co-écrit avec Kim Yong-hwa et Kim Tae-gon. « En rédigeant le scénario, je voulais renouveler le genre du film catastrophe en imaginant des scènes et des situations totalement inédites », confie ce dernier (1). Le tournage débute le 8 octobre 2020 sur l’immense structure d’Incheon, où une portion de 200 mètres est réquisitionnée, avec plus de 300 véhicules mobilisés pour figurer un embouteillage spectaculaire. Afin d’amplifier le réalisme du rendu à l’écran, la réplique grandeur nature d’une route est construite sur un plateau de 4 300 m² recouvert d’asphalte. Cette logistique colossale offre au film son décor principal, théâtre d’un drame à très grande échelle. Pour saisir avec un maximum de dynamisme les mouvements désespérés des protagonistes, le directeur de la photographie Hong Kyung-pyo opte pour une approche immersive. 90 % des scènes sont donc tournées caméra à l’épaule, afin de transmettre directement au spectateur la peur, l’urgence et la vulnérabilité. « Je souhaitais que l’évolution de la situation et des émotions traversées par les personnages soit ressentie presque physiquement, au plus près de l’action » (2), explique-t-il. Les prises de vue de ce tournage marathon s’achèvent le 11 juin 2021.

Plusieurs styles s’imbriquent les uns dans les autres en début de métrage, laissant le spectateur s’adapter à des situations en perpétuelle évolution. L’intrigue politique de l’entame vire soudain au film catastrophe, via un gigantesque carambolage sur un pont noyé dans le brouillard qui n’aurait pas dépareillé dans un épisode de Destination finale (on pense notamment au cinquième opus de la saga, qui prend place dans un décor très similaire). Mais ce n’est qu’ensuite que la véritable nature du film se met en branle : celle de l’attaque animale. Car au milieu du chaos provoqué par une série de collisions automobiles et par l’explosion d’un hélicoptère, une meute de chiens enragés menace soudain les survivants. Un peu comme si Cujo se multipliait par dix. Les trois genres – politique, catastrophe, horreur – finissent donc par s’entremêler dans la mesure où les bêtes en furie sont le fruit d’une expérimentation gouvernementale top secrète validée par les ministres actuellement en poste, tandis que le pont sur lequel sont coincés les protagonistes est en train de se disloquer, de brûler et de dégager des vapeurs toxiques. Le suspense est donc à son comble…

Dressés pour tuer

Le formidable potentiel du film est hélas entravé par le manque de finesse apporté à la poignée de personnages qui s’y agitent. Le chauffard déchaîné qui provoque l’accident, la manageuse sportive pleurnicharde, le scientifique hystérique, le dépanneur surexcité, les militaires patibulaires, l’adjoint à la sécurité égoïste et sa fille boudeuse sont autant d’archétypes caricaturaux qui nuisent singulièrement à la crédibilité de l’intrigue et à l’implication des spectateurs. L’autre travers de Project Science est l’irrégularité de la qualité des images de synthèse mises à contribution pour donner vie aux chiens fous. Si certaines tiennent la route, la plupart jouent la carte de l’excès (les mouvements des animaux sont trop rapides, trop saccadés, trop peu naturels) et entament donc la suspension d’incrédulité. Tous les moyens conséquents mis au service du film sont donc un peu gâchés par des partis-pris qu’on aurait aimé plus subtils. C’est d’autant plus dommage que l’approche esthétique reste très soignée, ce pont dévasté plongé dans le brouillard finissant par prendre les allures d’un décor post-apocalytique, tandis que le suspense final décline habilement l’une des scènes clés du Monde perdu : Jurassic Park. On apprécie aussi, en filigrane, la dénonciation sans fard de l’hypocrisie politique et des mesquineries qui vont à l’encontre des principes moraux les plus élémentaires. Car ici, comme toujours, les vrais méchants ne sont pas les chiens mais ceux qui les ont conditionnés pour tuer.

 

(1) et (2) Extraits d’interviews publiées sur Media CDN en mai 2023

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article