RESOLUTION (2012)

Le premier long-métrage d’Aaron Moorhead et Justin Benson prend la forme d’un huis-clos étouffant où se déploie une menace invisible…

RESOLUTION

 

2012 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Peter Cilella, Vinny Curran, Zahn McClarnon, Bill Oberst Jr., Emily Montague, Kurt Anderson, Skyler Meacham, Josh Higgins, Justin Benson, Aaron Moorhead

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Resolution marque les débuts du duo Justin Benson et Aaron Moorhead, deux cinéastes qui s’imposeront ensuite comme des figures singulières du fantastique indépendant avec des films comme Spring, The Endless ou Synchronic. Dès ce premier long-métrage, ils signent une œuvre à la croisée des genres, oscillant entre le drame intime et le cauchemar métaphysique, son caractère fantastique se nichant dans les angles morts du récit. L’histoire débute de manière naturaliste. Michael (Peter Cilella), trentenaire rangé et futur père de famille, se rend dans une cabane perdue au cœur d’une réserve indienne pour retrouver son ami d’enfance Chris (Vinny Curran), toxicomane rongé par la méthamphétamine et la paranoïa. Déterminé à l’aider, Michael l’enchaîne au radiateur, espérant qu’une semaine de sevrage forcé suffira à le sauver. Voilà un point de départ clair, sommaire et dépouillé, presque théâtral. Mais bientôt, des éléments étranges s’invitent dans le huis-clos : des bruits nocturnes, des vidéos anonymes, des photographies anciennes, des fragments de pellicules…

Ce qui frappe d’abord, c’est la manière dont Resolution se réapproprient les codes du cinéma d’horreur. Pendant une large partie du film, Benson et Moorhead donnent l’impression de filmer un drame psychologique minimaliste. Les dialogues esquissent le portrait de deux hommes à la dérive, liés par une amitié abîmée mais indéfectible. Peu à peu, presque insidieusement, l’univers bascule. Les objets trouvés deviennent des messages, les images des avertissements, jusqu’à ce que la caméra elle-même devienne suspecte. C’est là que Resolution révèle sa véritable nature : une réflexion vertigineuse sur la narration, le regard et la fatalité. Le film semble hanté par une entité abstraite qui exige un récit et un dénouement, comme si les protagonistes étaient piégés dans une boucle où toute tentative d’échapper au scénario se soldait par un recommencement. En ce sens, Resolution convoque l’esprit de H.P. Lovecraft sans jamais citer explicitement ses mythes. On y retrouve la peur de l’invisible, l’insignifiance humaine face à une force cosmique indifférente, mais aussi l’impossibilité de comprendre ce qui dépasse notre perception. Mais cette influence est sans doute inconsciente, puisque les duettistes avouent ne s’être plongé dans la prose de l’écrivain de Providence que plus tard, pendant les préparatifs de The Endless.

Boucles et dissonances

Tourné avec un budget microscopique, Resolution s’appuie sur une mise en scène discrète, presque documentaire. La lumière naturelle, les cadrages fixes et l’absence d’effets spéciaux spectaculaires renforcent la crédibilité du contexte, ce qui rend les intrusions surnaturelles d’autant plus troublantes. Le duo Benson/Moorhead préfère la suggestion à la démonstration, la dissonance au jump scare. Le spectateur, à l’image de Michael, se retrouve bientôt dans un état de vigilance permanente, guettant les signes d’une logique cachée que le film refuse obstinément de révéler. À mesure que le récit avance, les couches de réalité se superposent et les personnages découvrent des archives montrant d’autres occupants de la maison, eux aussi confrontés à un cycle d’événements inexpliqués. Cette structure en abyme confère à Resolution une dimension quasi métafictionnelle, comme si nous assistions à un film conscient de sa propre existence, observé par une force qui pourrait bien être celle du cinéma lui-même. Benson et Moorhead détournent ainsi les outils du fantastique pour sonder les mécanismes du récit et interroger la position du spectateur. Qui regarde qui ? Qui contrôle le cadre ? L’horreur, ici, n’est pas dans la menace extérieure mais dans la conscience que tout, jusqu’à la peur, obéit à une logique écrite d’avance. Resolution s’inscrit ainsi dans la lignée d’un certain cinéma de l’inquiétude existentielle tout en annonçant les obsessions futures de ses auteurs : les boucles temporelles, la manipulation des réalités et la question du libre arbitre.

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article