LE PALAIS DES MILLE ET UNE NUITS (1905)

Georges Méliès réinvente à sa manière les contes arabes dans cette féerie hallucinante truffée de sortilèges et de créatures fantastiques…

LE PALAIS DES MILLE ET UNE NUITS

 

1905 – FRANCE

 

Réalisé par Georges Méliès

 

Avec Georges Méliès

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS I DRAGONS

Avec Le Palais des Mille et Une Nuits, Georges Méliès signe l’un de ses films les plus ambitieux, et sans doute l’un des plus représentatifs de son art. Le titre promet un voyage en Orient, terre de merveilles et de sortilèges telle que l’imaginait l’Occident du début du XXe siècle. Pourtant, le film n’adapte pas directement les contes d’Aladin ou de Shéhérazade mais s’en inspire librement. Le héros est le prince Sourire, un jeune noble sans fortune épris de la princesse Indigo. Hélas, le père de cette dernière, un rajah autoritaire, refuse leur union et destine sa fille à un riche usurier. Désemparée, la princesse libère accidentellement un magicien, Khalafar – interprété par Méliès lui-même -, qui lui remet un cimeterre magique capable de changer leur destin. S’ensuit une quête parsemée d’épreuves : temple mystérieux, forêt enchantée, déesses animées, squelettes, dragons et autres apparitions extravagantes. Dans ce tourbillon d’images et d’inventions, le prince affronte les manifestations surnaturelles, triomphe du mal et revient couvert de richesses pour épouser enfin sa bien-aimée. Cette trame simple n’est qu’un prétexte à un déploiement visuel spectaculaire. Car Le Palais des Mille et Une Nuits est avant tout une explosion d’imagination, où Méliès pousse à leur paroxysme les possibilités du cinéma naissant.

Produit par sa société, la Star Film, Le Palais des Mille et Une Nuits existe en deux versions : une copie abrégée d’environ 22 minutes et une version complète avoisinant les 28 minutes, durée exceptionnelle pour l’époque. C’est l’un des tout premiers films véritablement « longs » de Méliès, composé de dizaines de tableaux qui s’enchaînent comme une succession de numéros de théâtre. Chaque scène recèle une trouvaille visuelle, des statues qui s’animent aux fantômes translucides obtenus par surimpression, en passant par les objets qui disparaissent dans un nuage de fumée ou encore la végétation mouvante qui s’écarte d’elle-même pour révéler un temple. La séquence du serpent géant cracheur de feu que les héros affrontent dans une grotte lointaine est un moment d’anthologie. Le monstre est en réalité une marionnette grandeur nature (très semblable à celle du serpent géant qui surgissait dans Le Puits fantastique de 1903), dont les grands yeux, la gueule dentée et les cornes évoquent les gravures du 18ème siècle. Derrière l’effet spectaculaire se cache un travail d’orfèvre puisque l’équipe de Berthe Thuillier, collaboratrice fidèle de Méliès, appliquait minutieusement la couleur image par image au pochoir. Cette colorisation artisanale participe pleinement à la magie du film. Les ors et les rouges évoquent la richesse de l’Orient rêvé, tandis que les bleus et les verts plongent le spectateur dans un monde irréel où tout semble possible.

Les Folies Bergères orientales

L’ambition du projet se lit également dans l’ampleur de la production : plus de quarante comédiens (dont les noms ont hélas été oubliés aujourd’hui), des dizaines de décors peints et une profusion de costumes achetés auprès d’un fabricant de théâtre en faillite. On y retrouve même des danseuses issues des Folies Bergère. L’absence d’intertitres était compensée, lors des projections, par un bonimenteur qui racontait l’histoire en direct, une pratique courante à l’époque, transformant la séance en véritable performance vivante. Mais ce qui distingue Le Palais des Mille et Une Nuits des autres œuvres de Méliès, c’est la manière dont il conjugue l’exotisme et la magie. Là où Le Voyage dans la Lune explorait la science comme porte d’accès au rêve, celui-ci fait de l’Orient un pur territoire d’imagination. Méliès ne cherche évidemment pas le réalisme ethnographique. Il crée un monde symbolique, reflet des désirs et des croyances d’une époque fascinée par l’ailleurs. Nous sommes donc en présence d’un Orient de carton-pâte fantasmé, coloré et festif. Si Le Palais des Mille et Une Nuits fut l’un des derniers grands triomphes de Méliès avant le déclin de sa carrière, il demeure aujourd’hui une pièce maîtresse de son œuvre.

 

© Gilles Penso

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