

Alors qu’elle se lance dans la recherche obsessionnelle de sa sœur disparue, une femme réveille de vieux démons liés à leur enfance…
SHELBY OAKS
2024 – USA
Réalisé par Chris Stuckmann
Avec Camille Sullivan, Sarah Durn, Brendan Sexton, Robin Bartlett, Michael Beach, Keith David, Eric Francis Melaragni, Anthony Baldasare, Caisey Cole, Charlie Talbert
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Encore un « found footage » sur de jeunes enquêteurs du paranormal portés disparus ? Ne nous a-t-on pas déjà suffisamment abreuvé de faux documentaires de cette nature ? Peut-on encore nous surprendre avec un tel exercice, 25 ans après Le Projet Blair Witch ? Telle est notre réaction naturelle lorsque démarre Shelby Oaks, mêlant des images de films amateurs, des extraits de vidéos postées sur les réseaux sociaux, des bouts de reportages et des morceaux de journaux télévisés. Mais au bout de 17 minutes – durée de son long prégénérique -, le film amorce un virage stylistique radical en adoptant une narration plus traditionnelle. Et force est de constater que, par un étrange paradoxe, les séquences de fiction assumées sonnent plus juste que les images de pseudo-réalité. Preuve que lorsqu’elle est bien menée, la « suspension d’incrédulité » du spectateur fonctionne parfaitement, quel que soit le médium choisi. Shelby Oaks est le premier long-métrage de Chris Stuckmann, youtubeur, podcasteur, critique de film et réalisateur de courts-métrages. Co-écrit avec son épouse Samantha Elizabeth, le scénario s’inspire d’un épisode réel de sa vie personnelle : l’éducation que sa sœur et lui ont reçue au sein de l’église des Témoins de Jéhovah. Grâce à une campagne de crowfunding savamment orchestrée, le jeune réalisateur parvient à réunir un million de dollars auprès de plus de 14 000 contributeurs et se lance donc dans le tournage.


Riley Brennan, Laura Tucker, David Reynolds et Peter Bailey forment un quatuor de youtubeurs spécialisés dans les phénomènes occultes. Leur nom ? Les « Paranormal Paranoids ». Lors d’une enquête menée dans l’ancienne prison de la ville fantôme de Shelby Oaks, leur expédition vire au cauchemar : trois d’entre eux sont retrouvés morts, une caméra gisant non loin des corps. Sur la bande, Riley apparaît terrorisée avant de disparaître sans laisser de trace. Dix-sept ans plus tard, Mia, la grande sœur de Riley, participe à un documentaire consacré à l’affaire. Persuadée que sa cadette est encore en vie, elle revient sur leur enfance tourmentée, marquée par les terreurs nocturnes de Riley, convaincue qu’une présence la guettait dans l’ombre. Cette conviction obsessionnelle a peu à peu fragilisé le mariage de Mia, déjà miné par l’impossibilité d’avoir un enfant. Un soir, un inconnu frappe à sa porte, prononce une phrase énigmatique (« Elle m’a enfin laissé partir ») puis se suicide devant elle. Sur son corps, Mia découvre une cassette mini-DV titrée « Shelby Oaks »…
Vidéodrame
Grand amateur de cinéma de genre, Chris Stuckmann avait été impressionné en 2020 par la performance de l’actrice Camille Sullivan dans le survival Hunter Hunter de Shawn Linden, et c’est non sans joie qu’il obtient son accord pour tenir le premier rôle de Shelby Oaks. Car le film repose en grande partie sur son implication et sa prestation à fleur de peau. Si cette intrigue est somme toutes assez classique, si le postulat diabolique n’est pas nouveau et si les mécanismes de la peur sollicités par Stuckmann nous sont familiers, l’actrice principale nous permet d’y croire et nous communique efficacement les frayeurs de son personnage. De fait, Shelby Oaks sollicite certes les figures classiques de l’horreur d’inspiration satanique – on pense tour à tour à La Malédiction, L’Exorciste, Rosemary’s Baby – mais parvient à les reconfigurer habilement en s’appuyant sur la caractérisation des deux sœurs et en ramenant son postulat sur un plan intime avec lequel le public entre facilement en empathie. Mike Flanagan ne s’y trompe pas. Ce spécialiste des adaptations de Stephen King (Jessie, Doctor Sleep, Life of Chuck) tombe sous le charme du film lors de sa projection au Festival international du film Fantasia, en 2024, et décide d’en devenir le producteur exécutif, finançant le tournage de séquences additionnelles pour le « muscler » un peu et lui offrant l’opportunité d’une distribution internationale dans les salles de cinéma. C’est l’occasion pour un large public de découvrir sur grand écran cet exercice de style très honorable.
© Gilles Penso
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