CAPITAINE SKY ET LE MONDE DE DEMAIN (2003)

Dans des années 30 alternatives rétro-futuristes, Jude Law et Gwyneth Paltrow affrontent les robots d’un savant fou…

SKY CAPTAIN AND THE WORLD OF TOMORROW

 

2003 – GB

 

Réalisé par Kerry Conran

 

Avec Jude Law, Gwyneth Paltrow, Giovanni Ribisi, Angelina Jolie, Michael Gambon, Bai Ling, Omid Djalili

 

THEMA ROBOTS

A l’instar de Brad Bird, auteur de magnifiques films d’animation rétro-futuristes (Le Géant de fer, Les Indestructibles), Kerry Conran est un fan de bandes dessinées et de serials des années 30. À peine sorti de l’école Cal Arts, il décide d’installer un fond bleu dans son appartement et de tourner un court-métrage de six minutes, The World of Tomorrow, retrouvant l’esprit nostalgique de l’époque tout en plongeant ses comédiens dans un univers purement virtuel par la grâce d’images de synthèse virtuoses. Quatre ans auront été nécessaires pour venir à bout de ce projet fou, que Kerry Conran met en boîte avec l’aide de son frère Kevin, promu chef décorateur. Lorsqu’il découvre le résultat, le producteur Jon Avnet (Risky Business, Beignets de tomates vertes, Les Trois mousquetaires) tombe sous le charme et pense déjà à une version longue. Le projet prend une tournure plus concrète lorsque Jude Law, à qui Avnet montre le court-métrage, accepte de soutenir l’idée d’en tirer un film à gros budget en jouant le rôle principal et en participant à sa production. Voilà comment le modeste The World of Tomorrow se transforme en Capitaine Sky et le monde de demain, une superproduction délirante pour laquelle Kerry Conran, qui conserve son poste de réalisateur, réutilise les mêmes techniques que pour la version courte. Tous les acteurs sont donc filmés devant un fond bleu et l’intégralité des décors, véhicules et accessoires est reconstituée en images de synthèse, s’appuyant sur des designs de Kevin Conran.

Nous voilà dans le New York dans les années 30. Pas celui de la réalité mais plutôt une vision fantasmée et « pulp » très inspirée par le King Kong de 1933. Alors que des scientifiques renommés commencent à disparaître et que Manhattan est attaqué par des machines volantes et de gigantesques robots, la journaliste Polly Perkins (Gwyneth Paltrow), émule manifeste de Loïs Lane, décide de mener l’enquête. L’intrépide reporter découvre bientôt que la personne derrière ce complot machiavélique est le mystérieux docteur Totenkopf, qui vise l’annihilation du monde et sa reconstruction selon ses propres normes. Pour l’aider à contrer cette menace, elle sollicite l’héroïque pilote Joe Sullivan, alias capitaine Sky (Jude Law), qui fut jadis son amant. C’est le début d’une mission périlleuse au cours de laquelle ils s’adjoindront les services de Franky (Angelina) et de son équipe de mercenaires aériens…

C’était demain

Sorte de croisement fou entre « Flash Gordon » et Les Aventuriers de l’arche perdue, Capitaine Sky et le monde de demain regorge d’influences parfaitement assumées par les frères Conran, en particulier la série animée Superman de Max Fleischer, « La Guerre des mondes » et « L’île du docteur Moreau » de H.G. Wells, Le Troisième homme de Carol Reed, Le Port de l’angoisse d’Howard Hawks, les premiers « Batman » de Bob Kane et bien sûr King Kong. Un hommage direct au classique de Schoedsack et Cooper apparaît avec la réutilisation du navire Venture et cette île dont la jungle abrite un ravin surplombé par un tronc couché et une faune pseudo-préhistorique. Quant à la guerrière incarnée par Angelina Jolie, le bandeau sur l’œil, à la tête d’une escouade basée sur une station volante, elle nous évoque irrésistiblement le Nick Fury des Marvel Comics, même si Kerry Conran semble aussi s’être inspiré d’un personnage bien réel, en l’occurrence l’aviateur Claire Lee Chenault et son escadron de « Tigres volants ». Capitaine Sky réussit l’exploit de ne pas crouler sous le poids de ses influences pour offrir aux spectateurs un spectacle tout à fait inédit, en rupture totale avec ce que le cinéma d’action pouvait proposer alors au grand public. Il faut saluer l’audace de Jon Avnet, qui aura su porter ce projet à bout de bras sans se départir de quelques mésententes avec les frères Conran – qui voulaient notamment que le film soit en noir et blanc pour mieux se conformer à l’imagerie des serials des années 30. S’il n’est pas exempt de défauts – une surcharge d’images de synthèse qui finissent par créer une distanciation avec les spectateurs, une musique sans doute trop emphatique d’Edward Shearmur – Capitaine Sky est une oasis dans le paysage hollywoodien, baigné dans une direction artistique somptueuse. Le film ne trouva pourtant pas son public et échoua à remplir les salles de cinéma. Les suites prévues ne furent donc jamais mises en chantier et Kerry Conran disparut de la circulation.

 

© Gilles Penso


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