LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE (1981)

George Lucas et Steven Spielberg réinventent la grande aventure et lui donnent le visage d'Harrison Ford

RAIDERS OF THE LOST ARK

1981 – USA

Réalisé par Steven Spielberg

Avec Harrison Ford, Karen Allen, John Rhys-Davies, Denholm Elliot, Paul Freeman, Ronald Lacey, Alfred Molina, Wolf Kahler

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE I SAGA INDIANA JONES I STEVEN SPIELBERG

Les premiers exploits cinématographiques d’Indiana Jones étaient annoncés à l’époque comme « Le Retour de la Grande Aventure ». Une fois n’est pas coutume, le slogan ne mentait pas, car ce film bourré d’action et d’idées se dévoila au grand public sous forme d’une véritable bande dessinée en trois dimensions ravivant avec une énergie extraordinaire le souffle épique des grandes saga exotiques d’antan. Les influences multiples des Aventuriers de l’arche perdue viennent principalement des serials des années 30, des films d’aventures des années 50 et de la série des James Bond. Après le tournage de Rencontres du troisième type, Steven Spielberg caressait d’ailleurs le projet de réaliser une des aventures de l’agent 007, ayant même tenté de convaincre le producteur Albert Broccoli de l’engager. Le reste de l’histoire est entré dans la légende : en attendant avec angoisse le résultat au box-office de La Guerre des étoiles, George Lucas proposa à Spielberg d’oublier James Bond au profit d’un nouveau héros de son invention, d’après une idée développée avec son ami Philip Kaufman. Le film se situe en 1936. Lorsqu’Indiana Jones fait son apparition dès les premières secondes du métrage, après le fameux fondu enchaîné muant la montagne de Paramount en cime sud-américaine, le cinéphile constate qu’il arbore la même panoplie qu’Humphrey Bogart dans Le Trésor de la Sierra Madre ou que Charlton Heston dans Sous le plus grand chapiteau du monde. Toujours en vadrouille aux quatre coins du monde à la recherche de trésors archéologiques, Jones est souvent entravé par son principal concurrent, le Français René Belloq (Paul Freeman) qui loue ses services à l’Allemagne d’hitler, lequel s’est mis en tête de retrouver l’Arche d’Alliance contenant les tables de la loi brisées par Moïse il y a près de trois mille ans. Tenancière d’un bouge au fin fond du Népal, Marion Ravenwood (Karen Allen) va aider Indiana à récupérer l’Arche sainte avant les nazis… 

Toute la richesse du personnage d’Indiana Jones repose sur une dualité mise en scène au sein de ses activités (alternativement tranquille professeur d’université ou intrépide aventurier) et de sa personnalité (tour à tour maladroit ou au contraire extrêmement habile). Pressenti à l’origine pour tenir ce rôle légendaire, Tom Selleck dut se désister à cause de son engagement sur la série Magnum. Sans doute eut-il incarné un aventurier très convaincant, mais force est de constater que le nom d’Indiana Jones est désormais indissociable de celui d’Harrison Ford. A ses côtés s’animent quelques seconds rôles savoureux, notamment le jovial Sallah (John Rhys-Davies), le conservateur lunaire Marcus Brody (Denholm Elliott) et le sinistre gestapiste Toht (Ronald Lacey). Le film regorge de séquences d’action époustouflantes, comme le prologue dans le temple truffé de piège, le combat contre un Allemand massif sur une piste de décollage, l’attaque des milliers de serpents dans le puits souterrain ou la poursuite en camion qui inspira très probablement le climax de Mad Max 2. Mais chacun de ces moments d’anthologie est contrebalancé par des éclats de rire, le plus célèbre ayant été improvisé à la dernière minute par un Harrison Ford patraque : au lieu d’affronter à coup de fouet un redoutable Égyptien armé d’un sabre, via une spectaculaire bataille que Spielberg avait soigneusement fait storyboarder, Indiana Jones se contente d’abattre son adversaire d’un coup de revolver avant de prendre la tangente l’air blasé !

Le Spectacle avec un grand S

Quant au final, qui visualise la colère de Dieu via l’attaque de spectres flottants et la décomposition grand-guignolesque de ceux qui ont osé profaner l’Arche, il évoque Les Dix Commandements puis bascule dans l’horreur graphique en annonçant plusieurs séquences de Poltergeist. Chef d’œuvre incontesté d’un genre alors moribond, ce premier Indiana Jones est un savant mélange de la mise en scène virtuose de Steven Spielberg et de l’imagination sans borne de George Lucas. Cette collaboration, sur laquelle repose le second slogan du film (« par ceux qui ont créé Les Dents de la mer et La Guerre des étoiles »), était à l’époque un événement à plus d’un titre, car les deux cinéastes avaient prouvé un penchant jamais démenti pour le Spectacle avec un grand S. Bénéficiant en outre d’une écriture sans faille signée Lawrence Kasdan (déjà scénariste de L’Empire contre-attaque), Les Aventuriers de l’arche perdue surprend par sa richesse et sa spontanéité. Et la musique de John Williams, enivrante, suit pas à pas le rythme extraordinairement alerte du film.

 

© Gilles Penso

 

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