GORGO (1961)

Un dinosaure est ramené à la civilisation pour y être exhibé… jusqu’à ce que sa mère ne débarque pour le libérer !

GORGO

 

1961 – GB

 

Réalisé par Eugène Lourié

 

Avec Bill Travers, William Sylvester, Vincent Winter, Christopher Rhodes, Joseph O’Connor, Bruce Seton, Martin Benson

 

THEMA DINOSAURES

Le cinéaste Eugène Lourié avait déjà réalisé par le passé deux films de dinosaures attaquant la civilisation, Le Monstre des temps perdus en 1953 (avec de magnifiques effets spéciaux signés Ray Harryhausen) et The Giant Behemoth en 1959 (animé avec talent par Willis O’Brien et Pete Peterson malgré des moyens très limités). En 1961, il tente une nouvelle variante sur le thème et signe un classique du genre : Gorgo. Le prologue du film se rattache au mythe du monde perdu, puisque nous y découvrons les péripéties de Joe et Sam (Bill Travers et William Sylvester), deux aventuriers spécialisés dans la récupération des cargaisons englouties, confrontés à un raz-de-marée que provoque une éruption sous-marine en mer d’Irlande. Obligés de faire escale sur l’île de Nara, ils apprennent que les fouilles archéologiques d’un certain Mc Cartin (Christopher Rhodes) sont entravées par la disparition de deux plongeurs. Soudain, un dinosaure surgit des eaux et sème la panique parmi les insulaires. Insensible aux balles, il est mis en fuite par des jets de torches. Joe et Sam décident de s’attaquer au monstre. Au terme d’une lutte acharnée, ils le capturent et le trainent dans un filet jusqu’à Londres, où ils le vendent à un directeur de zoo qui fait très rapidement fortune. Mais la mère du saurien antédiluvien ne l’entend pas de cette oreille et décide de venir le libérer…

Gorgo se distingue d’abord de ses prédécesseurs par les monstres qu’il décrit, une mère et son rejeton victimes de la cupidité humaine. Du coup, leur violente réaction n’est que justice. Les créatures s’entourent d’une sorte d’aura mythologique induite par leur nom (« Gorgo » étant un dérivé de la gorgone des légendes grecques). Ensuite, pour une fois, les spectaculaires déploiements de l’armée (à grand renfort de stock-shots d’archive) ne servent ici strictement à rien. Les deux créatures semblent en effet indestructibles et finiront par retourner en toute quiétude au milieu marin duquel on les avait arrachées. D’ailleurs, Eugène Lourié insistera longtemps pour écarter toute intervention militaire du scénario, absurde à ses yeux. Mais Frank, Herman et Maurice King, les producteurs du film, n’envisagent pas un film de grand monstre sans le déploiement massif de l’arsenal. Ce sera l’un des regrets du cinéaste, qui récupèrera plus tard à titre privé une copie en 35 mm de Gorgo qu’il expurgera de toutes les séquences militaires.

Sous l’influence de Godzilla

L’exceptionnelle qualité des trucages optiques (qui nous offrent des tableaux surréalistes où se côtoient hommes et monstres), la très belle photographie en couleurs (privilégiant la nuit pour les apparitions des colosses préhistoriques) et la nervosité efficace du découpage font oublier que Gorgo et sa mère sont des dinosaures complètement fantaisistes, à mi-chemin entre le tyrannosaure et l’iguanodon, exagérément démesurés (l’adulte atteint près de 80 mètres de haut), affublés d’oreilles plutôt ridicules et surtout interprétés par un acteur costumé (le marionnettiste Bob Bura qui incarne tour à tour le fils et sa mère dans le même costume). Alors qu’il avait pu collaborer par le passé avec les maîtres de la stop-motion Ray Harryhausen et Willis O’Brien, Eugène Lourié doit ici composer avec les techniques popularisées par le cinéma de science-fiction japonais. Son savoir-faire technique et son sens de l’esthétique permettent tout de même de les transcender, les très spectaculaires scènes de destruction de Londres dépassant en panache celles, pourtant mémorables, du premier Godzilla. Pour payer son tribut à sa principale source d’inspiration – le « kaiju eiga » nippon -, le film sera projeté en avant-première au Japon en janvier 1961, neuf mois avant sa sortie sur les écrans du monde entier. En 1967, le réalisateur Haruyasu Noguchi en réalisera un quasi-remake avec Gappa, même si la filiation entre les deux films ne sera jamais officiellement affirmée.

 

© Gilles Penso

 

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