BEHEMOTH LE MONSTRE DES MERS (1958)

En fin de carrière, Willis O’Brien, créateur des effets spéciaux de King Kong, anime un dinosaure fantaisiste qui attaque Londres…

THE GIANT BEHEMOTH / BEHEMOTH THE SEA MONSTER

 

1958 – USA / GB

 

Réalisé par Eugène Lourié

 

Avec Gene Evans, Andre Morell, John Turner, Leigh Madison, Jack MacGowran, Maurice Kaufman, Henry Vidon

 

THEMA DINOSAURES

Contacté par le producteur indépendant David Diamond pour réitérer le succès du Monstre des temps perdus qu’il réalisa cinq ans plus tôt, Eugène Lourié prit les commandes de ce Giant Behemoth aux relents de déjà-vu. Pourtant, le premier jet du script s’efforçait d’éviter les sentiers battus en imaginant une menace radioactive intangible, une sorte de marre vivante et croissante. Mais bien vite, l’instinct financier de Diamond le poussa à reconsidérer le concept initial en intégrant un dinosaure atomique, héritier contre-nature des sauriens antédiluviens du Monstre des temps perdus et de Godzilla. Pressé par le temps, Lourié expédia en quelques jours un scénario un peu basique avec Dan Hyatt, sans possibilité de l’affiner avant le premier tour de manivelle. Les effets spéciaux, nerf de la guerre d’un tel projet, furent confiés à rien moins que Willis O’Brien, l’homme qui donna naissance à King Kong, et à son assistant Pete Peterson, tous deux ayant déjà été rompus aux films à tout petit budget avec Le Scorpion noir.

Le héros de Behemoth le monstre des mers est le docteur Steve Carnes (Gene Evans), biologiste, qui donne en guise de prologue une conférence sur les dangers nucléaires. Or un monstre quadrupède, le paléosaure, remonte la Tamise à la recherche d’eau fraîche (on note que le mot « Behemoth », démon de la gloutonnerie dans le Nouveau Testament, n’est jamais prononcé dans le film, et que le paléosaure lui-même est un dinosaure imaginaire). Cette créature chargée d’électricité se meurt de ses propres radiations, dans ce que les experts scientifiques diagnostiquent comme une réaction en chaîne biologique. Le monstre ravage bientôt la capitale britannique, coupant des lignes à haute tension et faisant s’effondrer des bâtiments… Tourné à Londres en 24 jours, le film fut ensuite confié aux bons soins de l’équipe des effets spéciaux en Californie, mais Lourié refusa de superviser la post-production, suite à une dispute avec le producteur. D’où un résultat bizarre qui dessert fatalement ce Behemoth fait de bric et de broc.

Le chant du cygne

À cause de son budget ridicule et de ses délais très serrés, le film s’avère timide en plans composite mêlant le dinosaure aux comédiens. Pourtant, lorsqu’il le fait, le résultat obtenu s’avère très efficace. C’est le cas pour la scène dans laquelle le monstre apparaît en plein jour pour la première fois, émergeant de la Tamise et avançant dans la rue, aux accents d’une musique qui évoque beaucoup celle de King Kong. Cette scène de panique en ville, la meilleure du film, dure six bonnes minutes et comprend de nombreux plans d’animation audacieux, même si certains d’entre eux sont réutilisés à outrance pour éviter les dépenses supplémentaires. La séquence d’attaque nocturne qui s’ensuit est également un morceau de choix pour les fans d’animation. Il faut y voir là la patte d’un Willis O’Brien en fin de carrière mais encore très inspiré. Le monstre périt finalement en ingurgitant une torpille à embout de radium, lancée par un sous-marin de poche. Il émerge une dernière fois des flots, interprété cette fois-ci par une marionnette mécanique, puis disparaît dans un tourbillon d’écume et de fumées. Cet ultime plouf marque la fin de la carrière d’un Willis O’Brien qui eut sans doute mérité une œuvre plus grandiose en guise de chant du cygne professionnel.

 

© Gilles Penso


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