REC (2008)

Jaume Balaguero et Paco Plaza relancent la vogue du « found footage » avec cette histoire de zombies en caméra subjective

[REC]

2008 – ESPAGNE

Réalisé par Jaume Balaguero et Paco Plaza

Avec Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Yamam, Carlos Lasarte, Pablo Rosso, David Vert, Vicente Gil, Martha Carbonell

THEMA ZOMBIES CINEMA ET TELEVISION I SAGA [REC]

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est en tournant ensemble un documentaire sur un jeu de télé-réalité – l’équivalent espagnol de notre « Star Academy » – que Jaume Balaguero et Paco Plaza, talentueux défenseurs d’un cinéma fantastique décomplexé (Fragile pour l’un, L’Enfer des loups pour l’autre), trouvent l’idée de co-réaliser un film d’horreur en vidéo haute définition. « Le but initial était de faire le film le plus terrifiant possible en adoptant un point de vue inhabituel », raconte Balaguero. « Nous voulions plonger le spectateur à l’intérieur du film, le rendre acteur, faire du visionnage de [Rec] une véritable expérience. Nous nous sommes laissés influencer par les jeux vidéo, qui apportent une véritable interactivité. » (1) Prenant la relève de Cannibal Holocaust et Le Projet Blair Witch, et s’inscrivant dans une nouvelle vogue du « cinéma à la première personne » mis en application quasi-simultanément dans Cloverfield et Diary of the Dead[Rec] s’intéresse à Angela, journaliste pour une télévision locale barcelonaise qui, accompagnée de son cameraman, relate le quotidien de ceux qui travaillent la nuit. Ce soir, elle a choisi de s’intéresser à une caserne de pompiers. La nuit s’annonce désespérément calme, jusqu’à un énigmatique appel au secours en provenance d’un vieil immeuble. Sur place, Angela, son cadreur et les pompiers découvrent des voisins paniqués et perçoivent des cris inquiétants qui proviennent des étages supérieurs. Le cauchemar est sur le point de commencer…

Si le scénario de [Rec], une fois mis à plat, se démarque à peine des innombrables films de zombies ayant éclaboussé les écrans du monde entier dans le sillage du travail de George Romero, l’extrême méticulosité de sa mise en scène et le naturel désarmant de ses comédiens le dotent d’un statut tout à fait à part. En obligeant le spectateur à adopter le point de vue d’un cameraman ignorant tout du drame qui couve, Balaguero et Plaza créent un véritable train fantôme qui ne cesse de surprendre et s’avère extrêmement effrayant. Quoi de plus inquiétant qu’un lent travelling avant dans un couloir sombre et silencieux d’où ne tardera pas à surgir un monstre vorace et hystérique ? Calquant leurs méthodes sur celles d’un William Friedkin, les deux cinéastes réservent une large part du tournage aux improvisations, ne donnent pas toutes les informations aux comédiens et au cadreur, et obtiennent ainsi des réactions d’une très grande justesse.

La double influence de Romero et Lovecraft

L’exploit de [Rec] réside du coup dans sa capacité à s’extraire des codes habituels du genre (effets de montage, musique stressante, lumières travaillées) tout en décuplant l’impact de ses séquences horrifiques, articulées au sein de longs plans séquence. La dernière partie du film, particulièrement oppressante, ajoute à l’influence de Romero celle d’H.P. Lovecraft. « J’ai lu « L’Affaire Charles Dexter Ward » un mois avant le tournage », raconte Paco Plaza. « La manière dont Lovecraft écrit, avec ces petites notes, ces extraits de journaux et de carnets intimes, nous a inspiré le décor final » (2). Réalisé avec des moyens très réduits et tourné en vingt jours, [Rec] partage avec L’Orphelinat le titre de plus gros succès cinématographique espagnol de l’année 2007, entraînant aussitôt la mise en chantier d’un remake américain.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 2008

 

© Gilles Penso

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