L’ORPHELINAT (2007)

Une famille s'installe dans un orphelinat pour le réhabiliter mais une étrange ambiance y règne et des "êtres invisibles" semblent y séjourner…

EL ORFANATO

2007 – ESPAGNE

Réalisé par Juan Antonio Bayona

Avec Belen Rueda, Fernando Cayo, Roger Princep, Mabel Rivera, Montserrat Carulla, Andrès Gertrudix, Géraldine Chaplin

THEMA FANTÔMES

Les cinéastes espagnols ont une manière très personnelle d’aborder les histoires de fantômes, et les liens qui se tissent naturellement entre L’Orphelinat et quelques-uns de ses aînés ibériques tels que Fragile, Darkness ou L’Echine du diable sont indéniables. D’ailleurs, c’est Guillermo del Toro qui officie ici en tant que producteur, donnant sa chance au débutant Juan Antonio Bayona. Une fois de plus, l’auteur du Labyrinthe de Pan a eu du flair, car L’Orphelinat est une pure merveille, un film d’épouvante à fleur de peau qui marqua durablement le public et la critique, unanimes quant aux qualités du film. Ainsi remporta-t-il un succès colossal au moment de sa sortie (il battit tous ses confrères au box-office espagnol de 2007) et fut-il bardé de récompenses sur tous les continents (Grand Prix du Festival Gérardmer, sept Goyas, deux prix à Fantasporto…). En compagnie de son époux Carlos (Fernando Cayo) et de leur fils Simon (Roger Princep), Laura (Belen Rueda) s’installe dans l’orphelinat où elle a grandi, dans l’espoir de le reconvertir en centre spécialisé pour enfants handicapés. 

Prenant peu à peu possession des lieux, Simon s’invente des amis imaginaires avec lesquels il s’amuse souvent. Or un jour, une étrange assistante sociale rend visite à Laura et lui affirme qu’elle sait beaucoup de choses sur le garçon, des choses que seul le couple croyait savoir : Simon est un enfant adopté et gravement malade. Peu après, au cours d’une petite fête que donnent Laura et Carlos en l’honneur de leurs futurs pensionnaires, Simon disparaît. Malgré les recherches opiniâtres de la police, il demeure introuvable. Les mois s’écoulent douloureusement, et Carlos se résigne peu à peu. Mais Laura refuse de porter le deuil, d’autant qu’elle est persuadée de percevoir elle aussi les amis imaginaires de son fils. En désespoir de cause, elle fait appel à une équipe de parapsychologues qui investissent la maison. Pour la médium Aurora (Géraldine Chaplin), il est clair que les « amis invisibles » en question sont des fantômes. 

« Il faut croire pour voir, et non l'inverse... »

« Quand un événement terrible se produit, il reste parfois une trace, une blessure qui fait le lien entre deux lignes du temps », affirme-t-elle . « C’est comme un écho qui se répète encore et encore pour se faire entendre. » Et de conclure : « il faut croire pour voir, et non l’inverse ». Cette séquence n’est pas sans évoquer Poltergeist, mais L’Orphelinat échappe à toutes comparaisons grâce à sa singularité, sa sensibilité et sa profondeur, triple témoignage d’un réalisateur promis – n’en doutons pas – à une belle carrière. L’épouvante que distille J.A. Bayona est feutrée, évacuant tous les effets choc et les déflagrations sonores habituellement de mise au profit d’un climat oppressant. La peur que ressentent de concert les spectateurs et l’héroïne n’en est pas moins palpable, comme en atteste cette ultime partie d’« un deux trois soleil » réminiscence des jeux enfantins qui émaillent le prologue du film, ou ces apparitions récurrentes d’un inquiétant garçon au visage caché sous un sac de toile. Au cours d’un climax bouleversant, l’angoisse se mue en tristesse puis en mélancolie, concluant en beauté cette œuvre d’exception.

© Gilles Penso

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