DARK SHADOWS (2012)

Tim Burton adapte sur grand écran une série culte de Dan Curtis en se laissant beaucoup inspirer par le fameux Blacula

DARK SHADOWS

2012 – USA

Réalisé par Tim Burton

Avec Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter, Jackie Earle Haley, Jonny Lee Miller, Chloe Moretz

THEMA VAMPIRES I SORCELLERIE ET MAGIE I FANTÔMES

Titre de gloire du producteur/réalisateur Dan Curtis, le feuilleton fleuve Dark Shadows, diffusé sur les écrans américains entre 1966 et 1971, présentait l’originalité de mixer le soap opera et les monstres classiques du cinéma fantastique. Ce fut aussi, incidemment, l’un des souvenirs d’enfance les plus marquants d’un Tim Burton encore prépubère. « Les gens vous regardent comme un freak, à l’adolescence », raconte-t-il. « Voilà pourquoi je me sentais proche de tous ces monstres. C’étaient des symboles très forts de l’état d’esprit dans lequel j’étais » (1) Entre deux contes grand public conçus pour le studio Disney (Alice au pays des merveilles et Frankenweenie), le cinéaste s’attaque donc à une version grand écran de Dark Shadows pour Warner.

Le récit s’amorce dans une somptueuse atmosphère gothique. Nous sommes en 1752, au cœur d’un Liverpool brumeux et sinistre. Joshua et Naomi Collins décident de traverser l’océan en compagnie de leur fils Barnabas pour conquérir l’Amérique. Là, ils montent une entreprise extrêmement fructueuse et donnent leur nom à la ville portuaire de Collinsport. Devenu adulte, Barnabas est l’objet des convoitises d’Angélique Bouchard, mais le jeune homme ne partage pas ses sentiments. Brimée, Angélique révèle alors sa véritable nature : c’est une sorcière aux pouvoirs redoutables. Coup sur coup, elle provoque la mort des parents et de la fiancée de Barnabas, et condamne ce dernier aux tourments éternels en le transformant en vampire et en l’enfermant dans un cercueil six pieds sous terre. Par inadvertance, la tombe de Barnabas est ouverte en 1972. Notre vampire maudit débarque alors dans un monde totalement nouveau…

Un étrange mélange des genres

Sous les traits émaciés et blafards de Barnabas, on retrouve évidemment Johnny Depp, se prêtant une nouvelle fois au jeu de la métamorphose physique sans évacuer les cabotinages tranquilles d’un comédien trop en confiance auprès de son réalisateur fétiche. A ses côtés, le casting féminin se taille la part du lion : une Eva Green plus étourdissante que jamais, une Michelle Pfeiffer à la grâce intacte et une Chloe Moretz au charme ingénu. S’il s’efforce de retrouver l’esprit du soap opera dont il s’inspire (avec les conflits familiaux, les petits secrets, les jalousies et rivalités inhérents au genre), Burton se laisse volontiers inspirer par tout un pan du cinéma fantastique des années 70. On pense bien sûr aux Dracula de la Hammer (ce que confirme la double présence de Christopher Lee en vieux pêcheur et sur l’affiche d’un film furtivement aperçue à l’entrée d’un cinéma) mais aussi à l’inénarrable Blacula qui présente un postulat similaire (un vampire du 18ème siècle enfermé dans un cercueil et libéré par mégarde en 1972). Dark Shadows recèle quelques morceaux de bravoure empreints d’une noirceur digne de Sweeney Todd, mais se pare aussi d’un humour au second degré étrange, quelque part à mi-chemin entre Beetlejuice et Hibernatus ! « Dark Shadows est une combinaison de drame, de comédie et d’horreur, bref, un cocktail très intéressant » (2), résume Burton. Mais le mélange des genres ne s’avère pas toujours heureux, Dark Shadows s’apparentant à un patchwork d’influences entravé de surcroît par de nombreuses pertes de rythme. Un supplément d’âme, une sincérité totale, une plus grande prise de risque n’auraient pas nui à cette œuvre trop savamment calculée pour convaincre totalement.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2012

© Gilles Penso

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