EVIL DEAD (2013)

Fede Alvarez réalise un remake soigné et très efficace du classique de Sam Raimi, mais préfère à l'horreur surréaliste de son modèle des effets gore très crus

EVIL DEAD

2013 – USA

Réalisé par Fede Alvarez

Avec Jane Levy, Jessica Lucas, Shiloh Fernandez, Lou Taylor Pucci, Elizabeth Blackmore

THEMA ZOMBIES I DIABLE ET DEMONS I VEGETAUX I SAGA EVIL DEAD

La relation qu’entretiennent les amateurs de cinéma d’horreur avec Evil Dead  est souvent passionnelle. Qu’il ait été découvert sur un grand écran, une cassette VHS ou une galette numérique, le chef d’œuvre de Sam Raimi a marqué durablement les esprits, et ses deux séquelles déjantées ont depuis longtemps consolidé son statut d’objet de culte. La perspective d’un remake semblait inévitable, mais comment s’y prendre pour respecter l’œuvre originale tout en ménageant suffisamment de surprises ? Pour relever le défi, Fede Alvarez calque sa démarche sur celle de Marcus Nispel, à l’époque de sa relecture de Massacre à la tronçonneuse. Le décor reste inchangé, la nature du mal est identique, la plupart des scènes clefs sont restituées, mais les protagonistes sont différents. Ou du moins leurs relations ont-elles été complexifiées. Evil Dead cru 2013 parvient à piquer ses spectateurs au vif dès son entrée en matière. Le prologue joue habilement sur nos nerfs en optant pour un point de vue surprenant qui bouleverse les règles manichéennes habituellement établies.

Lorsque les cinq héros entrent en scène, nous comprenons qu’un lien fort les rattache à la fameuse cabane champêtre. David et Mia, dont les relations fraternelles se sont distendues au fil du temps, y ont grandi avec leurs parents, et leurs compagnons y ont partagé plusieurs escapades adolescentes. Bref, le lieu est chargé de souvenirs. Mais le séjour qui se prépare n’a rien de nostalgique. Mia est une junky invétérée, et pour l’aider à se sevrer définitivement, rien de tel qu’un isolement total en rase campagne. Les acteurs du drame étant en place, les démons peuvent préparer leur assaut. Dès lors, les figures imposées s’enchaînent : la découverte dans la cave du livre démoniaque, la caméra qui rampe entre les arbres, l’attaque de la végétation, la possession successive de chacune des jeunes filles…

Aucune limite

Fede Alvarez reprend à son compte toutes les références de son modèle (H.P. Lovecraft, George A. Romero, L’Exorciste) et les pousse à leur paroxysme, ne s’imposant aucune limite dans le domaine des séquences gore extrêmes. Si le sang coule par hectolitres, si les corps sont démembrés, si les visages se défigurent, aucune poésie surréaliste ne vient créer de distance, et les limites du soutenable sont souvent franchies. Dans le meilleur des cas, on pense à Lucio Fulci et Dario Argento, mais les démesures dictées par la double vogue des séries Saw et Hostel semblent aussi sollicitées. Résultat : ce nouvel Evil Dead fait l’effet d’un film hybride. Somptueux dans sa forme (la musique de Roque Baños rend magnifiquement hommage aux compositions originales de Jo Lo Duca, la photographie est splendide, les maquillages spéciaux incroyables), louable dans ses intentions, le film d’Alvarez se retrouve coincé par son statut de remake, alignant les passages obligatoires et d’ultimes péripéties confinant un peu au grotesque au lieu de laisser pleinement se déployer la personnalité d’un cinéaste au talent évident. La saga de Sam Raimi n’y gagne pas grand-chose, mais les amateurs d’horreur pure et dure ont de quoi y puiser quelques frissons intenses, en attendant que Fede Alvarez ne s’attaque à un projet qu’on espère plus personnel.

 

© Gilles Penso

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