DARKNESS (2002)

Le deuxième long-métrage de Jaume Balaguero confronte une adolescente au terrifiant secret d’une maison hantée…

DARKNESS

 

2002 – ESPAGNE / USA

 

Réalisé par Jaume Balaguero

 

Avec Anna Paquin, Lena Olin, Iain Glen, Giancarlo Giannini, Fele Martínez, Fermín Reixach, Stephan Enquist

 

THEMA FANTÔMES

Avec La Secte sans nom, Jaume Balaguero avait démontré un indiscutable talent dans l’art d’effrayer le spectateur à coup de chocs visuels et sonores, d’atmosphères putrides et de terreurs enfantines, sans pour autant recourir au moindre effet spectaculaire. Tout ou presque se passait dans la tête du spectateur. Il transforme ici l’essai, se hissant parfois au niveau des meilleurs films nippons du genre (Dark Water et Ju-On en tête) en imposant l’Espagne comme un véritable espoir en matière de renouveau du cinéma horrifique. Au début des années 2000, les cinéastes de la péninsule ibérique laissaient en effet souffler un vent de fraîcheur vivifiant dans le domaine du fantastique et de l’épouvante. On pourra certes reprocher à Darkness de souffrir du même travers principal que son prédécesseur, autrement dit une fâcheuse tendance à masquer derrière son ambiance anxiogène très efficace un scénario bancal à la crédibilité toute relative. Mais grâce à ses qualités artistiques, le film reste de très haute tenue. Le récit de Darkness est vu à travers les yeux de Regina (Anna Paquin, qui fut la mutante Malicia dans les X-Men de Bryan Singer). Cette adolescente américaine en quête d’affection et de repères vient d’emménager avec ses parents et son petit frère dans une grande maison de campagne en pleine campagne espagnole.

Peu à peu, une succession de petits éléments troublants perturbent Regina. Il y a d’abord le comportement étrange de son père, victime d’une maladie nerveuse dont la guérison semble éphémère car ses crises de colère sont de plus en plus fréquentes. Plus inquiétant : son frère Paul est soudain terrifié par le noir, griffonne des dessins macabres dans lesquels des enfants semblent décapités et porte des traces de coups inexplicables. Incapable de s’appuyer sur sa mère, une infirmière cartésienne et débordée de travail, Regina trouve une oreille attentive auprès de Carlos, un étudiant incarné par Fele Martinez, futur héros de La Mauvaise éducation de Pedro Almodovar. Ses investigations vont la conduire tout droit en Enfer. Car la demeure semble abriter un terrible secret, vieux de quarante ans, où il est question de culte satanique et de sacrifice humains. Or dès que la maison est plongée dans les ténèbres, les fantômes d’une demi-douzaine d’inquiétants enfants surgissent un à un, ivres de vengeance…

Les spectres de la vengeance

Darkness se pare des qualités formelles inhérentes au travail habituel de son réalisateur, notamment un jeu d’acteurs extrêmement convaincant, une photographie somptueuse (signée Xavi Gimenez, à qui nous devons les images de The Machinist et Agora) et un montage affûté au millimètre près (œuvre de Luis de la Madrid, futur réalisateur de La Nonne). De fait, on s’étonne de voir Darkness porter l’estampille de « Fantastic Factory », dans la mesure où la compagnie ibérique co-fondée par Brian Yuzna s’était plutôt spécialisée dans la série B d’horreur joyeusement excessive (Arachnid, Dagon, Beyond Re-Animator). Or Darkness place clairement ses ambitions au-dessus des délires grand-guignolesques pré-cités, tissant impitoyablement son réseau de séquences insolites et oppressantes, confinant ses personnages dans des recoins sombres et jouant en virtuose sur les terreurs basiques, notamment la claustrophobie et la peur du noir. Hélas, cette maestria dans l’art de l’angoisse suggestive finit par fixer ses propres limites, dans la mesure où chaque élément inquiétant mis en place au sein du scénario semble n’avoir aucun autre objectif que l’établissement d’effets de peur à l’efficacité immédiate, là où une mécanique d’épouvante à plus long-terme eut été beaucoup plus percutante. Dommage, car des enjeux dramatiques mieux définis et une intrigue plus méticuleusement construite auraient pu permettre à Darkness d’accéder au statut de classique du genre. En l’état, le film reste élégant mais anecdotique.

 

© Gilles Penso


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