OBSESSION (1976)

Situé au sein de la période la plus hitchcockienne de Brian de Palma, ce drame envoûtant puise une grande part de son inspiration dans Sueurs froides

OBSESSION

1976 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Cliff Robertson, Genevieve Bujold, John Lithgow, Wanda Blackman, Sylvia Kuumba Williams, J. Patrick McNamara  

THEMA MORT

Obsession est l’un des films les plus graphiques, les plus mélancoliques et les plus troublants de Brian de Palma. C’est aussi, probablement, l’un de ceux qui ont le moins bien vieilli, les effets de mise en scène ultra-stylisés du cinéaste n’ayant pas tous passé sans heurts le cap des années 70. Baptisé à l’origine « Déjà vu », le scénario de Paul Schrader (qui venait d’écrire Taxi Driver) démarre en 1959 à la Nouvelle-Orléans. Michael et Elizabeth Courtland (Cliff Robertson et Geneviève Bujold) fêtent leurs dix ans de mariage. Pour eux et Amy, leur fillette de neuf ans, c’est le parfait bonheur au sein de la bourgeoisie d’affaires du sud des États-Unis. Mais, dans la nuit, des gangsters kidnappent l’épouse et la fillette. Michael est prêt à payer la rançon de 500 000 dollars qu’on lui réclame, puis finalement, suivant les conseils de la police, tend un piège aux ravisseurs. L’opération tourne mal, et se termine par la mort accidentelle des ravisseurs et des otages.

Seize ans plus tard, Michael et son associé Robert (John Lithgow) partent pour Florence en voyage d’affaires. Michael est ému, car c’est dans cette ville qu’il avait connu sa femme. Or au cours de son pèlerinage sentimental, il rencontre, exactement au même endroit que vingt-cinq ans plus tôt, une jeune étudiante en art, Sandra Portinari, qui ressemble trait pour trait à Elizabeth. Inévitablement, notre inconsolable veuf tombe amoureux de la belle Italienne et en vient même à se demander s’il ne s’agirait pas de la réincarnation de sa défunte épouse. Plusieurs détails surprenants tendent à corroborer cette folle théorie. Bien décidé à la ramener à la Nouvelle-Orléans et à l’épouser, Michael n’est pas au bout de ses surprises…

Une flamboyante partition de Bernard Herrmann

Variation habile sur le thème de Sueurs froides (une des œuvres culte de Brian de Palma qui servira également de base à l’histoire de Body Double, de Femme fatale, et influencera même le prologue et l’épilogue d’Outrages), Obsession enfonce le clou de la référence hitchcockienne via une flamboyante partition signée Bernard Herrmann lui-même. Le film souffre cependant d’un casting inégal. Si Geneviève Bujold est à la fois sublime et bouleversante dans les deux rôles qu’elle incarne tour à tour, et si John Lithgow cabotine à merveille en associé et ami du héros (il deviendra l’un des acteurs fétiches de De Palma), Cliff Robertson, pour sa part, affiche un visage totalement dénué d’expression. Le réalisateur avouera plus tard qu’il ne s’agissait pas de son premier choix, mais que Richard Burton était trop cher et James Stewart trop vieux ! Malgré ces réserves, l’œuvre demeure envoûtante de bout en bout, ciselée comme une pièce d’orfèvrerie par un De Palma très inspiré et mis en lumière avec beaucoup de sensibilité par le légendaire directeur de la photographie Vilmos Zsigmond (Délivrance, Voyage au bout de l’enfer, Rencontres du Troisième Type). Plusieurs morceaux de bravoure ponctuent ainsi le film, notamment le travelling circulaire dans le mausolée, le flash-back dans l’aéroport, ou l’anthologique final au ralenti, un effet de style qui deviendra l’une des marques de fabrique d’un metteur en scène alors à l’aube de sa carrière hollywoodienne.

 

© Gilles Penso

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