SIMETIERRE (1989)

La talentueuse Mary Lambert s'empare d'un des romans les plus noirs de Stephen King et en tire un film désespérément nihiliste

PET SEMATARY

1989 – USA

Réalisé par Mary Lambert

Avec Fred Gwynne, Denise Crosby, Dale Midkiff, Brad Greenquist, Michael Lombard

THEMA ZOMBIES I ENFANTS I SAGA STEPHEN KING

L’inéluctabilité de la mort… Stephen King s’est penché sur cet obsédant sujet en 1983 avec son roman « Simetierre », qui rencontra malgré sa noirceur un grand succès. Six ans plus tard, quand vint le moment de l’adapter sur grand écran, l’écrivain, par souci de contrôle très certainement, décida de rédiger le scénario lui-même, et tint à ce qu’il soit suivi à la lettre. George A. Romero et Tom Savini furent tour à tour envisagés derrière la caméra, mais la petite nouvelle Mary Lambert (clippeuse pour Madonna ayant réalisé un seul film, Siesta, tiède ersatz Lynchien) emporta le morceau et imprima sur pellicule ce chant funèbre. La famille Creed, Louis, son épouse Rachel et leurs deux jeunes enfants, Ellie et Gage, quittent les turpitudes de Chicago pour s’installer dans le Maine. La maison est magnifique, Louis a une bonne situation, médecin à l’hôpital universitaire, son couple est solide, et leur famille unie. Très vite, le chat d’Ellie se fait écraser sur la grande route qui borde la maison, et Louis, n’osant avouer à sa fille la mort de son compagnon, décide de l’enterrer au-delà du cimetière pour animaux, bien plus loin, sur un mystérieux site indien au sol acide et rocailleux, malgré les mises en garde de leur vieux voisin qui prédit un drame. Car « il y a des états pires que la mort », et quand ce sera au tour de Gage de se faire renverser et tuer par un camion, Louis se retrouvera face à des choix cruciaux et irréversibles…

Une telle tragédie n’aurait pu souffrir une transcription timide ou un ton léger (nous sommes quand même à l’orée des années 90, et l’humour est de bon ton dans la série B). La bonne idée de King est de traiter son roman avec un sérieux imperturbable, et de ne faire l’impasse sur aucun élément sulfureux du drame des Creed : la mort de Gage (qui rappelle fortement celle de la famille de Mad Max), le suicide très cru de la voisine, l’enterrement qui tourne à l’empoignade désespérée, le fantôme au crâne béant qui suit Louis, la terrifiante sœur de Rachel rongée par la méningite, l’infanticide, le matricide… Les tabous hollywoodiens sont pulvérisés, la violence graphique et psychologique est frontale et sans retenue, et le sujet, universel, frappe au cœur. La performance des acteurs y est pour beaucoup, notamment le bouleversant Dale Midkiff, père en perdition face à la dissolution de la cellule familiale (un certain Bruce Campbell n’avait pas été retenu pour le rôle), qui provoque une forte identification et soulève nombre de questions cornéliennes. Au moment où l’enfant se retrouve confronté à la mort, faut-il le bercer de douces et rassurantes métaphores, ou bien lui expliquer l’issue logique de toute vie avec sincérité, en prenant le risque de le traumatiser ? Et si nous avions le choix de faire revenir nos morts et de corriger nos pires erreurs, quitte à y perdre la raison, que choisirions-nous ?

Un tétanisant parfum mortifère

Évidemment, la réanimation des cadavres rappelle Frankenstein, mais là où le personnage de Mary Shelley péchait par orgueil avant tout dans son désir de concurrencer Dieu, Louis (dont le métier est de sauver des vies) n’est mu que par l’amour, la culpabilité et un certain égoïsme dans le fait de ne pas vouloir laisser partir les siens, quitte à ce qu’ils soient condamnés à devenir des abominations. On pourra simplement reprocher une mise en images quelque peu « téléfilm » (mais néanmoins au service du récit et des personnages) et le morceau du générique final des Ramones (choisi par King) qui, bien que réussi, atténue quelque peu l’horreur du dernier plan par sa bonne ambiance typiquement 80’s, tranchant avec le score mystique et oppressant d’Elliot Goldenthal. Une suite vit le jour en 1992, toujours sous l’égide de Mary Lambert, cherchant visiblement à prendre le contre-pied du premier volet en jouant la carte de la surenchère et du grand-guignol rigolard. Inutile. Plus de 20 ans après, Simetierre n’a rien perdu de sa puissance émotionnelle et de son tétanisant parfum mortifère, désintégrant à chaque nouvelle vision la grande majorité des piètres tentatives actuelles dans le genre. 

 

Julien Cassarino

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