Roland Emmerich américanise l'icône la plus populaire du cinéma japonais… et fait hurler tous les fans du Roi des Monstres !
GODZILLA
1998 – USA
Réalisé par Roland Emmerich
Avec Matthew Broderick, Jean Reno, Maria Pitillo, Hank Azaria, Kevin Dunn, Michael Lerner, Harry Shearer
THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA
C’est au début des années 90 que commence à circuler à Hollywood l’idée d’une version américaine de Godzilla, idée qui prit tout son sens suite au succès de Jurassic Park. Après tout, la Toho avait réalisé sa propre version de King Kong dans les années 60. Cet échange des stars locales était donc de bonne guerre. Le projet fut d’abord développé par le réalisateur Jan de Bont (Speed, Twister), épaulé par de splendides croquis issus du studio de Stan Winston. Mais son approche, jugée trop onéreuse, effraya le studio. C’est finalement Roland Emmerich, fort du succès d’Independence Day, qui lui succéda. Tous les Godzilla réalisés jusqu’à présent utilisaient invariablement un acteur dans un costume en latex dans le rôle du reptile géant. Il était évident que la version américaine allait plutôt opter pour les techniques portées aux nues dans Jurassic Park. Emmerich a donc mis sur pied sa propre société d’effets spéciaux, Centropolis Effects, à qui il a confié la majeure partie des images de synthèse du film. Comme toujours, le réalisateur de Stargate réussit à faire démarrer son film sur des chapeaux de roues, puisant d’abord son inspiration dans Les Dents de la mer. Mais ce n’est qu’un des nombreux emprunts à son maître à penser Steven Spielberg. Ainsi fait-il intervenir son monstre la nuit et sous la pluie, comme le T-Rex de Jurassic Park. Le dinosaure lâché dans la ville rappelle énormément celui qui attaque San Diego dans Le Monde Perdu, et les bébés de Godzilla sont les portraits crachés des vélociraptors des deux Jurassic Park. Quant au pétrolier échoué en pleine plage panamienne, il évoque bien sûr le navire perdu dans le désert de Rencontres du Troisième Type.
Mais cette collection d’emprunts serait presque touchante si la linéarité du scénario ne venait pas tout gâcher. Emmerich s’efforce certes d’accumuler les séquences fortes (l’attaque de New-York en plein jour, l’assaut des hélicoptères, l’affrontement sur le pont…), mais celles-ci s’enchaînent en dépit du bon sens, voire confinent au ridicule dans la mesure où le spectaculaire l’emporte systématiquement sur la logique la plus élémentaire, notamment au cours de la poursuite finale entre le monstre et un taxi. Les effets du film sont supervisés par le Français Patrick Tatopoulos, dont Emmerich apprécie tant le travail qu’il donne son nom au personnage principal incarné par Matthew Broderick. Il faut reconnaître que le talentueux designer effectue un travail impressionnant, même si on reste un peu circonspect sur l’aspect général du monstre vedette. Parfois, on jurerait voir un homme en costume reconstitué en 3D, avec une tête démesurée et des proportions hasardeuses.
« Godzilla In Name Only »
Comme en outre les personnages humains sont des stéréotypes caricaturaux, on ne s’étonnera pas outre mesure que l’accueil réservé à ce Godzilla ait été des plus mitigés. Les deux séquelles envisagées par Columbia furent donc abandonnées au profit d’une série animée baptisée Godzilla the Series. Fort déçus par cette version, les fans de Godzilla rebaptisèrent ironiquement la créature de Roland Emmerich « Zilla », ou encore « GINO », acronyme signifiant « Godzilla In Name Only » (« Godzilla uniquement par le nom »). Tomoyuki Tanaka, producteur de tous les Godzilla japonais, étant décédé un mois avant l’entrée en production de la version d’Emmerich, le film lui est dédié.
© Gilles Penso
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