LES BARBARIANS (1987)

Le réalisateur de Cannibal Holocaust demande à deux jumeaux blagueurs de jouer des émules de Conan le Barbare dans une heroic fantasy en carton pâte

THE BARBARIANS

1987 – ITALIE

Réalisé par Ruggero Deodato

Avec David Paul, Peter Paul, Richard Lynch, Eva La Rue, Virginia Briant, Michael Berryman, George Eastman

THEMA HEROIC FANTASY

Jamais à cours d’idée pour recycler les grands succès du moment, Menahem Golan et Yoram Globus, les patrons de la mythique société de production Cannon, se posèrent un jour une question cruciale : que se passerait-il si Conan avait un frère jumeau ? Imaginez donc : deux montagnes de muscles pour le prix d’une ! Ainsi naquit Les Barbarians, l’un des nanars les plus euphorisants de la fin des années 80, mixant le mauvais goût quasi-proverbial des productions Cannon aux excès plagiaires du cinéma bis transalpin, puisque le film fut intégralement tourné par une équipe italienne sous la direction de Ruggero Deodato, le légendaire réalisateur de Cannibal Holocaust

Une troupe d’artistes itinérants, les Ragnicks, y est attaquée par des guerriers difformes et barbares, au cours d’une séquence d’introduction généreuse en effets gore (hache dans la tête, visage brûlé, giclures de sang). Le chef de cette horde sauvage, Kadar (Richard Lynch), capture la belle Canary, reine des Ragnicks, pour profiter de ses pouvoirs magiques, lesquels trouvent leur origine dans un rubis caché. Mais deux jeunes frères jumeaux, adoptés par Canary, se révoltent contre le vilain et lui arrachent deux doigts à coups de dents ! Passablement agacé – on le serait à moins – Kadar enferme Canary dans son harem et emmène les jumeaux pour les entraîner au combat. Séparés et enfermés dans « le puits des morts », les charmants bambins (qui répondent aux noms improbables de Kutchek et Gore !) grandissent au milieu des gladiateurs, subissant maints sévices de la main d’un bourreau grimaçant incarné par Michael Berryman (inoubliable depuis sa prestation dans La Colline a des Yeux). Seize ans plus tard, Kutchek et Gore sont devenus deux colosses bodybuildés, tandis que, bizarrement, aucun des autres personnages ne semble avoir pris une ride. Le suspense qui sous-tend leurs retrouvailles – on les envoie se combattre à mort dans l’arène en cachant leur visage sous des casques – est éventé en quelques secondes puisque les jumeaux se reconnaissent immédiatement et s’évadent. 

Gore, gags, nudité et monstres en caoutchouc

A partir de là, le film – qui se prenait plus ou moins au sérieux – bascule dans la farce semi-parodique. Car David et Peter Paul, interprètes des deux lourdauds en pagne, se déplacent comme des gorilles, poussent des cris de gorets et se chamaillent puérilement à coups de répliques grotesques. De toute évidence, Ruggero Deodato, face à la prestation navrante des deux « comédiens » culturistes, a renforcé volontairement l’aspect comique d’un film conçu initialement au strict premier degré. « Les producteurs m’avaient demandé initialement de réaliser un film d’heroïc fantasy très violent et très brutal, une sorte de mixage entre Conan le barbare et Cannibal Holocaust », raconte Deodato. « C’est pour cette raison que j’ai été embauché sur ce film. Ce parti pris explique pourquoi le film commence avec des tueries et des massacres, à grand renfort de cascades et de maquillages spéciaux. Mais en découvrant les deux acteurs principaux Peter et David Paul, j’ai été contraint de changer mon fusil d’épaule. Je me suis dit que je ne pouvais pas envisager un film sérieux avec ces deux-là. D’où l’orientation comique des Barbarians. » (1) Entre deux grimaces des frères Paul, Les Barbarians tente de nous distraire avec des scènes de bagarre pataudes (dont une mettant en vedette George Eastman, alias Anthropophagous), des orgies où s’ébattent des figurantes dénudées, et le surgissement de monstres en caoutchouc délicieusement ridicules dans un marécage de studio garni de machines à fumée. Même le compositeur Pino Donaggio, d’ordinaire fort inspiré (Carrie, PulsionsHurlements), se met au diapason en nous assénant une abominable partition synthétique de bas étage, le film s’achevant comme il se doit par une chanson pop saugrenue.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

 

© Gilles Penso 

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