DOCTEUR CYCLOPE (1940)

Les créateurs de King Kong mettent en scène un savant maléfique qui miniaturise ses victimes pour mieux les détruire

DOCTOR CYCLOPS

1940 – USA

Réalisé par Ernest B. Schoedsack

Avec Albert Dekker, Janice Logan, Thomas Coley, Charles Halton, Victor Kilian, Frank Yaconelli, Paul Fix, Frank Reicher 

THEMA NAINS ET GEANTS

Sept ans après King Kong, le réalisateur Ernest B. Schoedsack et le producteur Merian C. Cooper reviennent au thème du gigantisme à travers cette aventure hors-norme qui s’efforce de transposer dans les années 40 le mythe d’Ulysse et du Cyclope. Le regard voilé par d’épaisses lunettes, la silhouette colossale et pataude, Albert Dekker interprète le docteur Alexander Thorkel, un éminent scientifique retiré dans une montagne péruvienne où il a édifié son laboratoire. A l’aide d’un puits de radium, il canalise la radio-activité et miniaturise des animaux, s’amusant à jouer à l’apprenti sorcier et déclarant avec emphase : « maintenant, je tiens la vie sous mon contrôle ! ». En bon savant fou, il tue de sang-froid un confrère qui juge ses travaux hérétiques, puis convoque trois biologistes afin de l’aider à analyser ses résultats au microscope – car sa vue décroît de jour en jour – avant de les chasser sans ménagement. « Si vous restez, ce sera à vos risques et périls », les prévient-il. Accompagné d’un muletier et d’un assistant du coin, le trio s’intéresse d’un peu trop près aux expériences étranges de Thorkel. N’y allant pas par quatre chemins, ce dernier soumet aux radiations les cinq curieux et les réduit à la taille de 25 centimètres de haut. « Prisonniers dans l’antre du Cyclope ! » commente bientôt l’un des captifs.

La vision de ces humains miniatures, habillés avec des bouts de tissus, gravissant un escalier géant ou se cachant derrière les pieds d’une chaise, s’avère totalement surréaliste, d’autant que les effets de transparence, à l’exception de quelques arrière-plans palots, et les nombreux décors surdimensionnés sont franchement réussis. Le film utilise même une main mécanique géante pour que Thorkel empoigne ses captifs entre ses gigantesques doigts, comme le fit jadis Kong avec la frêle Fay Wray. L’affiche du film ne s’y trompe d’ailleurs pas, entretenant la correspondance visuelle avec le grand singe et sa blonde dulcinée. Mais ici, le géant n’éprouve guère de pitié pour ses minuscules victimes. Deux d’entre elles, sur le point de s’évader, trépassent ainsi sans autre forme de procès, l’une asphyxiée, l’autre abattue à bout portant. Leurs compagnons d’infortune tentent eux aussi d’échapper aux hideuses griffes de Thorkel, croisant des poules et un chat pour le moins effrayants.

Thorkel le maléfique

Mais la jungle où ils trouvent refuge regorge de dangers plus grands encore. D’où la mémorable séquence d’attaque d’un crocodile géant dans une caverne, nouvelle réminiscence de King Kong, ou la traque des survivants par Thorkel et son chien, qui nous évoque Les Chasses du Comte Zaroff, autre chef d’œuvre de Schoedsack et Cooper. Face aux cruels stratagèmes du savant pour se débarrasser d’eux, nos héros décident d’unir leurs forces et de l’affronter sur son propre terrain, muant leur taille lilliputienne en atout décisif. Suivant l’exemple des héros de l’Odyssée, ils aveugleront finalement le géant qui les menace en brisant les verres de ses épaisses lunettes. Intégralement tourné en studio, dans un Technicolor étincelant, Docteur Cyclope est l’avant-dernier film de Schoedsack, qui conclura sa carrière avec un autre géant mémorable, le bien nommé Monsieur Joe.

 

© Gilles Penso

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