AUX YEUX DES VIVANTS (2014)

Le troisième long métrage du duo Bustillo/Maury semble vouloir rendre hommage aux univers de Tobe Hooper et Stephen King

AUX YEUX DES VIVANTS

2014 – FRANCE

Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo

Avec Anne Marivin, Theo Fernandez, Francis Renaud, Zacharie Chasseriaud, Damien Ferdel, Fabien Jegoudez, Béatrice Dalle

THEMA TUEURS

C’est dans les cris, les larmes et le sang que commence Aux yeux des vivants, le temps d’une séquence d’ouverture tétanisante qui nous rappelle l’atmosphère glaciale d’A l’intérieur. Ce quasi-retour aux sources est d’autant plus assumé par Julien Maury et Alexandre Bustillo que Béatrice Dalle, dans le rôle d’une femme enceinte névrotique, sert de pivot à ce prologue. Quelque peu déçus par l’accueil tiède réservé à leur film précédent, Livide, les duettistes décident d’emprunter un chemin mieux balisé, évitant les influences trop antithétiques pour assurer une cohésion stylistique à leur troisième long-métrage. 

La source d’inspiration majeure d’Aux yeux des vivants semble provenir de deux films américains des années 80 : Massacre dans le Train Fantôme de Tobe Hooper et Stand By Me de Rob Reiner. Le choc de ces deux univers donne naissance à une œuvre troublante, atypique, dont les protagonistes sont trois gamins un peu laissés à l’abandon dans une ville rurale qui ressemble étrangement aux bourgades chères à Stephen King. Cancres invétérés, « mauvais garçons » dont chaque exaction ressemble à un appel de détresse destiné à des adultes visiblement occupés ailleurs, Dan, Tom et Victor ont la mauvaise idée d’incendier la grange d’un fermier antipathique. Pour éviter les représailles, ils prennent la fuite dans un studio de cinéma abandonné. Mais dans ces ruines d’un âge d’or révolu, ils tombent nez à nez avec Isaac Faucheur et son fils Klarence, deux psychopathes se livrant à d’inquiétantes activités. Les trois adolescents parviennent à regagner leurs foyers respectifs. Mais Klarence les a suivis, prélude à une longue nuit de terreur… 

Entre horreur radicale et poésie enfantine

Malgré un budget étriqué, Bustillo et Maury ne sacrifient pas la mise en forme d’Aux yeux des vivants, le film bénéficiant d’une photographie somptueuse d’Antoine Sanier et d’une bande originale magnifique signée Raphael Gesqua (sous l’influence manifeste du Wolfman de Danny Elfman). Même les déconvenues survenues en cours de production jouent parfois en faveur du film, comme ce décor de fête foraine abandonnée – initialement prévue dans le scénario – que les réalisateurs ne dénichèrent pas, se rabattant finalement sur un ancien studio de cinéma décrépi gisant en pleine campagne bulgare. Mine de rien, ce choix contraint évite au film une trop forte aliénation à l’une de ses influences – Massacre dans le Train Fantôme, donc. Les deux cinéastes conservent un style très particulier, en équilibre permanent entre l’horreur la plus radicale et une certaine forme de poésie souvent rattachée au monde de l’enfance. La longue séquence au cours de laquelle Klarence pénètre dans la maison de Viktor jongle à merveille entre ces deux composantes, ménageant des moments de terreur pure. Certes, le film souffre de dialogues souvent maladroits (les répliques vulgaires du jeune trio irritent plus qu’elles n’amusent) et d’une bonne dose d’incohérences. Mais l’initiative est trop encourageante pour être résumée à ces scories. Comment ne pas saluer l’endurance de Bustillo, Maury et de leur producteur Fabrice Lambot, défenseurs envers et contre tous d’un cinéma fantastique français digne de ce nom ? Saluons aussi la prestation de Francis Renaud qui, dans un registre difficile, confirme tout le bien que nous pensons de lui.

 

© Gilles Penso

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