HORNS (2014)

Daniel Radcliffe s'éloigne un peu plus de Harry Potter en laissant Alexandre Aja lui faire pousser des cornes sur le front…

HORNS

2014 – USA

Réalisé par Alexandre Aja

Avec Daniel Radcliffe, Max Minghella, Joe Anderson, Juno Temple, Kelli Garner, James Remar, Kathleen Quinlan, Heather Graham, David Morse, Michael Adamthwaite 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I DIABLE ET DÉMONS SAGA ALEXANDRE AJA

Avec Horns, Alexandre Aja choisit un virage radical et ambitieux. Après trois remakes (La Colline a des yeux, Mirrors, Piranha 3D), le réalisateur français sent le besoin de passer à autre chose. Adapté du roman de Joe Hill — le fils de Stephen King — Horns s’impose comme une œuvre beaucoup plus personnelle. « C’était un film très personnel pour moi, même si a priori je n’ai rien à voir avec les personnages : cette exploration de l’hypocrisie américaine, du rapport à l’autre, de la nécessité parfois d’aller dans les ténèbres pour trouver un peu de lumière », confie-t-il (1). En choisissant Daniel Radcliffe pour incarner Ig Perrish, Aja prend un parti très particulier. Comme si l’âge de l’innocence associé à Harry Potter devait désormais céder la place à l’âge adulte, peuplé de peurs, de désillusions et de trahisons. « Quand je choisis Daniel Radcliffe, c’est une évidence pour moi, parce que tout d’un coup il y a cette transition de l’enfance, de l’adolescence à l’âge adulte, d’une manière dramatique : le viol et l’assassinat de la femme qu’il aime, et tout le mystère qui entoure ce crime dont on l’accuse », confirme-t-il. « Évidemment, ce n’est pas anodin de prendre Harry Potter pour jouer ce rôle, parce qu’il incarne ce sentiment d’enfance pour toute cette génération, mais il est aussi lui-même, à cette époque, dans une transition vers l’âge adulte. C’est pour ça qu’il a accepté. Ça rajoute des niveaux de lecture et ça rajoute de l’épaisseur au sujet. » Aja laisse aussi transparaître des influences assumées, notamment l’univers étrange et inquiétant de David Lynch. Il rend même hommage à Twin Peaks en confiant à Heather Graham le rôle d’une serveuse, clin d’œil direct à la série culte. Dans Horns, « Qui a tué Laura Palmer ? » devient « Qui a tué Merrin Williams ? ».

Ignatius « Ig » Perrish (Daniel Radcliffe) est le principal suspect du viol et du meurtre brutal de sa petite amie Merrin Williams (Juno Temple). Bien qu’il clame son innocence, toute la communauté, y compris ses proches, se retourne contre lui. Rejeté, traqué par la presse, il trouve refuge dans la maison familiale auprès de ses parents (James Remar et Kathleen Quinlan) et de son frère Terry (Joe Anderson).

Après une veillée mortuaire douloureuse organisée par le père de Merrin (David Morse), qui croit fermement à sa culpabilité, Ig, désespéré, s’enivre, vandalise le mémorial de Merrin et s’endort dans les bois. À son réveil, il découvre avec horreur l’apparition de cornes sur son front. Ces cornes, étrangement, ne se contentent pas de déformer son apparence : elles possèdent le pouvoir de pousser les gens à révéler sans filtre leurs pensées et désirs les plus enfouis. Rapidement, Ig comprend qu’il peut exploiter ce don pour enquêter lui-même sur le meurtre de Merrin et faire éclater la vérité. Au fil de sa quête, il découvre l’hypocrisie étouffante de son entourage, les secrets honteux dissimulés derrière les sourires polis. Armé de ses nouveaux pouvoirs, il se rapproche lentement du véritable coupable, prêt à plonger toujours plus profondément dans les ténèbres pour obtenir justice…

Ruptures de ton

Horns marque une étape de maturité dans la carrière d’Alexandre Aja. Après les hurlements sanglants et les exubérances graphiques de ses précédents films, il s’attaque ici à un récit plus mélancolique, oscillant entre fantastique, horreur, romance noire et comédie macabre. Le mélange des genres aurait pu virer au grand écart, mais Aja réussit à maintenir une cohérence émotionnelle étonnante. La douleur d’Ig, sa quête d’identité et l’ambiguïté morale de ses choix trouvent un écho dans l’esthétique du film, à cheval entre l’intimisme et le baroque. Ironiquement, comme par effet de miroir avec la source littéraire première (œuvre donc du fils de Stephen King), Horns évoque parfois l’auteur de Carrie, notamment dans ces flash-backs racontant les aventures de cette bande de gamins qui n’aurait pas dépareillé dans Stand By Me ou Ça. Tout au long du film, Aja enchaîne les visions surréalistes et les ruptures de ton : unuméro musical infernal en ouverture, une transformation progressive de Radcliffe — qui devient à moitié invisible, tantôt du haut, tantôt du bas — et même une apparition fugace du monstre de Frankenstein. Radcliffe livre ici une prestation solide et sincère, loin de son image de petit sorcier. Sa souffrance est palpable, son glissement vers l’obscurité crédible et poignant. Bref, voilà un fascinant « écart de conduite », tant pour le cinéaste que pour son acteur principal.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article